Pourquoi vous vous trompez sur ce qu’attendent les profs de philo au bac…
Le document sur la notation des copies de philo dont je parle vers la fin de la vidéo.
Sommaire :
0:00 – Intro – Vous vous trompez sur ce qu’attendent les profs !
1:19 – Copie A – groupe moldus
2:43 – Copie B – groupe moldus
4:00 – Copie C – groupe moldus
5:39 – Les moldus philosophes
6:32 – Avertissements sur le groupe profs
7:20 – Copie A – groupe profs
8:11 – Copie B – groupe profs (ou pourquoi c’est important de traiter le sujet)
10:47 – Copie C – groupe profs (le cauchemar des profs)
14:07 – Deux types de correcteurs : le problème du chameau
16:07 – Ce que disent les consignes de correction
17:03 – Conclusion et outro
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Pour les lires plus facilement, voici les trois copies discutées dans la vidéo.
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Copie A
Dans le film « Matrix », le personnage a le choix entre la pilule rouge et la pilule bleue. Lui donner ce choix suffit-il pour le rendre libre ? Or, s’il choisissait la pilule bleue il resterait prisonnier de la matrice. Cet exemple soulève ainsi la problématique suivante : peut-on choisir librement de ne pas être libre ? La liberté, rappelons-le, est le fait d’agir sans contrainte et de faire ce que dicte notre volonté. Sommes-nous donc vraiment libres de ce que nous choisissons ou nos choix sont-ils influencés par des désirs inconscients ? Pour traiter ces questions, nous verrons comment le subconscient nous empêche de choisir librement, puis nous parlerons de l’existentialisme qui critique cette idée, et enfin des Stoïciens et de la volonté.
Pour un psychanalyste, nous ne sommes pas libres de nos goûts, de nos choix, puisqu’ils sont tous prédéterminés par notre subconscient, c’est-à-dire une partie de notre esprit que nous ne pouvons pas contrôler. Ainsi même si j’ai eu le choix de m’habiller avec un T-shirt rouge ou un T-shirt bleu ce matin pour affronter l’épreuve de Philosophie du Baccalauréat, j’ai peut-être inconsciemment choisi le bleu parce qu’il me rappelait la couleur de ma chambre d’enfant. L’esprit selon les psychanalystes est divisé en trois parties : le Moi, le Ça et le Surmoi. Ces différentes parties constituent l’inconscient qui influence sans qu’on le sache tous les choix que l’on fait. Même lorsque je crois choisir par mon propre libre-arbitre, c’est mon subconscient qui déciderait en quelque sorte à ma place. Avoir le choix ne suffit donc pas pour être libre puisque c’est mon inconscient qui fait le choix pour moi. Je me crois libre seulement parce qu’il est difficile de réaliser comment mes choix sont causés en secret par ces désirs inconscients.
Mais avons-nous vraiment un inconscient ? Pour Sartre, l’inconscient est une excuse pour éviter d’assumer ses responsabilités. Croire qu’on est prisonnier d’un inconscient qui fait les choix à notre place serait la preuve de notre mauvaise foi. Au contraire, d’après l’existentialisme, l’homme est radicalement libre, c’est un être de liberté, et donc il est responsable de ses choix. Ainsi, si nous prenons conscience de ce qui nous détermine, alors nous pouvons nous en libérer. Par exemple, si j’avais compris que j’ai choisi le T-shirt bleu ce matin à cause de ma chambre d’enfant, j’aurais pu finalement choisir le T-shirt rouge pour prouver ma liberté et me libérer de ce déterminisme. C’est en faisant le travail de se connaître soi-même que l’on peut regagner sa liberté.
Enfin, j’agis avant tout selon ma volonté qui dicte mes choix. D’après les stoïciens, il faut distinguer la volonté intérieure et le désir. Je ne peux être esclave de ma volonté puisque ma volonté je la contrôle, c’est moi qui la définis, tandis que le désir est la soumission du corps à un simple besoin. Les stoïciens expliquent ainsi qu’il faut se détacher de ses désirs pour être libre et développer sa propre volonté, indépendante de l’esclavage des désirs. Mes choix sont donc libres quand ils viennent réellement de ma volonté intérieure plutôt que d’un simple désir.
Suffit-il d’avoir le choix pour être libre ? Si nos choix sont le fruit d’un subconscient, il faudrait répondre non, mais nous avons vu que cette idée était critiquable. En distinguant volonté et désir, nous pouvons conclure qu’un choix qui vient de ma propre volonté est vraiment libre.
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Copie B
Avoir le choix, c’est pouvoir faire plusieurs choses tout en sachant qu’on ne pourra pas toutes les faire. Dans ce cas est-on libre de faire une chose ou l’autre ? Pourtant il y a des déterminations qui peuvent jouer, on ne choisit jamais à partir de rien. Par exemple mes goûts musicaux sont beaucoup hérités de ma famille, de mes amis. Même quand je choisis d’aimer une musique par moi-même, je n’ai pas complètement choisi. L’impression d’avoir fait un choix serait alors plutôt une illusion que la réalité. Ceci amène à se demander : « Suffit-il d’avoir le choix pour être libre ? » Nous traiterons la question sous l’angle des choix qui sont souvent plus limités qu’on ne pense. Ensuite nous parlerons du cas où on peut choisir tout ce qu’on veut. Et pour finir nous parlerons du déterminisme.
Prenons un exemple. Tous les élèves de Terminales doivent faire leur choix pour les études supérieures. Mais suffit-il d’avoir le choix pour être libre ? Je ne suis pas libre d’être accepté dans mon premier choix car cela dépend des places disponibles. Je ne suis pas libre non plus de choisir n’importe quelle formation, ça va dépendre de mon parcours scolaire. On voit qu’un choix peut être plus ou moins limité et donc plus ou moins libre. Quand il faut choisir entre la peste et le choléra c’est un choix mais où est la liberté ? Ce n’est pas un vrai choix parce que c’est beaucoup trop limité, on ne veut ni la peste ni le choléra. Quand les choix sont trop limités, on ne peut pas parler de vraie liberté. Donc il ne suffit pas de n’importe quel choix pour être libre, il faut un vrai choix.
Mais supposons qu’on ait vraiment les moyens de choisir tout ce qu’on veut (par exemple après avoir gagné au loto), alors est-ce qu’on est libre enfin ? Tout dépend ce qu’on appelle libre. Si c’est faire tout ce qu’on veut, on peut dire qu’on est libre dans ce cas puisque du coup on peut vraiment faire tout ce qu’on veut ou presque (même si on ne peut pas enfreindre la loi). Mais est-ce qu’on ne s’ennuierait pas un peu ? Quand tout est trop facile, c’est comme si rien n’avait de sens, on ne se sent même plus vraiment libre. Peut-être qu’un minimum de contrainte est utile pour apprécier la liberté. Dans ce cas, avoir un choix total qui nous laisserait faire tout et n’importe quoi ne serait pas la solution pour être libre.
Troisièmement, d’après le déterminisme, nos choix sont de toute façon déjà écrits de bout en bout. Il y a des déterminismes pour tout : déterminismes sociaux, déterminismes génétiques, biologiques, etc. L’histoire suit le cours des choses prédéterminé par ces déterminismes. C’est l’idée de cause et d’effet. Si tout ce qui arrive est un effet qui a une cause avant, alors tout est déjà déterminé depuis le début. Si cette idée est correcte alors même quand nous avons le choix, ce n’est pas vraiment un choix puisque tout est déjà décidé. Donc pour conclure il ne suffit pas d’avoir le choix pour être libre.
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Copie C
La liberté est une valeur omniprésente dans nos sociétés contemporaines, par exemple dans notre devise nationale « Liberté, Egalité, Fraternité » ou dans le tableau d’Eugène Delacroix « La liberté guidant le peuple ». Ou encore dans des choix tels que Fleurissoir dans les Caves du Vatican (Gide) qui jette un inconnu d’un train pour se prouver sa propre liberté. Était-il vraiment libre de le faire ou non ? Mais qu’est-ce que cette liberté dont chacun parle ? Il est important de définir les termes. Selon Rousseau, l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté. Faut-il obéir à la loi qu’on s’est prescrite pour être libre même en l’absence de choix ? Ou suffit-il d’avoir le choix pour être libre ? Nous verrons qu’il n’est pas possible d’être libre d’après le fatalisme et le déterminisme, puis nous parlerons des lois et enfin de l’éducation qui nous permettent de devenir libres.
Pour un certain nombre d’individus, la liberté n’est qu’une illusion car chacun est en réalité dirigé par des forces supérieures. Les héros de tragédies grecques tel que Œdipe ne peuvent pas échapper à leur destin. C’est aussi l’idée de prédétermination si Dieu sait déjà tout ce que nous allons faire. Tout sentiment de liberté est alors illusoire : à quoi bon tenter de changer une histoire écrite par avance ? C’est le fatalisme qui s’oppose à toute forme de liberté. Une idée moins extrême est le déterminisme. Le déterminisme apparaît avec les sciences modernes au 17ème siècle (Newton). Dans une telle conception, le hasard n’existe pas. Nous sommes déterminés par des facteurs sociaux, notre milieu d’origine influence nos goûts, notre façon d’être qui constituent pourtant ce que nous avons de plus personnel. Nous sommes également déterminés par des facteurs historiques comme le rejoint la notion de « matérialisme historique » de Karl Marx. Pire encore, nous sommes déterminés par des facteurs génétiques et biologiques. Toute action a une cause, il y a un principe de causalité. Ces perspectives de fatalisme, de déterminisme, sont extrêmement déstabilisantes. Ne sommes-nous réellement que des robots qui n’ont aucun choix ?
« Nous croyons être libre car nous ignorons ce qui nous détermine » écrivait Spinoza. La liberté n’est pas synonyme d’absence de contraintes car alors personne ne serait libre, en raison des lois qui nous dirigent. Mais, est-ce que les lois sont des contraintes ? La première fonction des lois est d’empêcher la guerre de tous contre tous, car selon Hobbes « L’Homme est un loup pour l’homme » et cela met en place « la loi du plus fort ». Pour ne pas être prisonnier de la loi du plus fort il faut sortir de l’état de nature en acceptant d’obéir aux lois. La situation devient alors paradoxale parce que c’est la contrainte des lois qui me rend plus libre. Les lois nous rendent plus libre même si elles posent des interdictions.
Enfin, parlons de l’éducation. Selon Rousseau « éduquer c’est l’apprentissage de la Liberté ». Pourtant, l’éducation apparaît comme une contrainte, parfois même un dressage. À sa naissance l’Homme est soumis à toutes les formes d’aliénations : il est incapable de subvenir à ses besoins, incapable de penser. Sans éducation, il devient comme un animal, tel Victor dans le film « L’enfant sauvage ». On peut dire que l’enfant a une liberté mais qu’il ne sait pas s’en servir. Le mauvais usage de notre liberté durant notre enfance peut faire de nous un enfant roi, habitué à tout commander, à satisfaire tous ses désirs. Mais être libre selon Rousseau, ce n’est pas être esclave de ses désirs, c’est être autonome.
En conclusion, nous avons vu pourquoi le déterminisme et le fatalisme sont insatisfaisants. Nous pouvons avoir le choix et être libre, dans le cadre des lois et de l’éducation. Mais avons-nous vraiment le choix ? Nous pouvons enfin répondre avec la citation de Sartre : « nous sommes condamnés à être libres », c’est-à-dire que nous devons toujours assumer la responsabilité de nos actes.
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Voici un résumé des principaux résultats. (Les résultats des profs diffèrent légèrement de ce qui apparaît dans la vidéo car j’ai complété avec deux participations qui sont arrivées juste à la fin du montage).

J’ai beaucoup de choses à rajouter pour compléter ce qui est dit dans la vidéo ! Dans l’ordre :
- comment j’ai préparé les trois copies
- comment j’ai chassé les trolls
- êtes-vous impartiaux ?
- et la hiérarchie des copies ?
- et les profs moldus ?
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Comment j’ai préparé les trois copies
Pour commencer, je dois confesser une faute, un crime : je vous ai menti. Les trois copies que je vous ai demandé de corriger en vous les présentant comme des vraies copies d’élèves… je les ai en fait fabriquées.
Ceci dit, je me suis inspiré de divers passages d’une vraie copie du bac ES qu’on m’a envoyé, mais celle-ci est en fait très différente (et bien meilleure que chacune de ces trois copies).
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles j’en suis venu à fabriquer les copies. D’une part, j’avais du mal à trouver plusieurs copies sur le même sujet (et particulièrement des copies moyennes : on m’a envoyé surtout des copies excellentes, ce qui est beaucoup moins intéressant pour l’exercice). D’autre part, j’en suis venu à penser que fabriquer les copies me permettrait d’en avoir trois, plutôt moyennes, mais qui soient très différentes dans leurs qualités et défauts. En somme, ça me permettait de représenter trois types de copies : une copie A « bien mais pas top », une copie B « hyper basique mais dans le sujet », et une copie C « récitation de cours hors-sujet ».
Au moment de tourner ma vidéo de présentation, je ne mentais pas encore en disant que les copies provenaient de vrais élèves vu que je n’avais pas encore pris ma décision sur ce point et que je pensais encore que ce serait le cas. J’aurais bien sûr pu changer les choses au montage, mais j’ai préféré cacher la nature des copies pour deux raisons.
D’une part, songer que la note qu’on attribue aura un impact réel sur la vie d’une personne réelle, ça me semble être un aspect très important de la correction du bac. Dans la présentation du questionnaire je soulignais ainsi que la note vaut pour environ 10% de la note finale des candidats, ce qui revient à dire que chaque point qu’on ajoute ou qu’on retire ajoute ou retire un dixième de point de la note finale du bac de l’élève, qui peut du coup avoir ou non son bac, ou avoir une mention ou non… Qu’on le veuille ou non, noter le bac a potentiellement un impact de ce type (et c’est un poids assez désagréable à porter).
Par ailleurs, prétendre que c’était des vraies copies me permettait de ne pas attirer votre attention sur le fait qu’elles sont là pour représenter différents types généraux de copies, et que ce qui m’intéressait, en plus des questions de variabilités des notations, etc., c’était aussi et surtout de voir comment sont notées ces différents types de copies.
En somme, si je vous avais prévenu que les copies avaient été fabriquées à dessein pour tester cet aspect des choses, vous auriez peut-être été enclin à noter ces copies comme des « abstraction » de copie, plutôt que comme des copies réelles.
Donc voilà, je confesse mon crime. Je suis un faussaire de copies. Et croyez-moi, c’est très chiant d’écrire des fausses copies de bac moyennes.
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Comment j’ai chassé les trolls
Pour accéder à la version « profs » du questionnaire, il fallait disposer d’un lien que je n’ai pas diffusé publiquement. Je l’ai diffusé seulement sur un groupe Facebook privé de profs de philo (qui compte plusieurs milliers de membres) et je l’envoyais aussi aux personnes qui me contactaient en privé, et j’encourageais tout le monde à envoyer le lien aux collègues concernés.
La plupart des profs de philo ont très bien accueilli ma démarche, mais depuis le temps que je fais des vidéos sur YouTube je ne me suis pas fait que des amis chez les profs… Par exemple, ce compte Twitter d’un prof (du genre réac à la René Chiche) a accueilli un peu plus que tièdement ma vidéo qui présente le questionnaire :

À peu près au même moment, je recevais une première réponse clairement « troll » : le participant a noté toutes les copies 1 et a laissé notamment ce commentaire qui se veut (je suppose) une caricature de discours « woke » :
0 référence à de vrais arts, comme le street art, le rap fr et us, rien que des philosophes inutiles dont il faudrait limiter l’utilisation. Ca ne cite que des hommes et ça ne comprend pas que le sujet est essentiellement une question de genre. On sent des copies de cis blanc het pro-patriarcat et des relations hétéronormées des beaux quartiers de Paris, c’est navrant. Pas d’écriture inclusive, ça accumule les stéréotypes de genre et invisibilise les femmes, qui ont déjà une énorme charge mentale sur elles. On aurait pu aussi se rendre sensible à la dimension postcoloniale du sujet avec l’oppression de l’homme blanc qui empêche tout autre personne de choisir. C’est des copies vraiment d’un autre temps, il faut se réveiller là, plus de woke please.
Il y a d’autres extraits du même « troll » dans la vidéo à 6:52 si ce genre de débilité vous amuse.
Après examen des commentaires sur les copies, j’ai identifié un autre troll qui laissait des commentaires dans le même ton. Ces « trolls » avaient au moins la politesse d’être suffisamment débiles et démonstratifs pour être facilement identifiables, mais j’ai commencé à craindre que des « trolls » plus discrets se cachent en proportion importante dans les résultats. Comment faire pour m’assurer de la qualité des données ?
Une première chose qui m’a semblé assez simple à faire (et que je pouvais faire aussi sur le questionnaire « tout public »), ça a été d’exclure toutes les réponses qui donnaient la même note aux trois copies.
Certes, il est possible qu’un prof en notant sincèrement arrive à la conclusion que ces trois copies doivent recevoir la même note, mais ça me semble assez peu probable. (Une exigence de la notation, c’est de faire des différences, et il y avait clairement assez de différences entre ces trois copies pour justifier d’en noter au moins une différemment des deux autres.) Par contre, qu’un participant qui ne cherche qu’à troller le commentaire mette trois fois la même note parce qu’en fait il se fiche des copies, ça me semble assez probable (mon premier troll qui a mis 1 aux trois copies en était un exemple), et donc en excluant ces réponses j’ai de bonnes chances d’exclure surtout des trolls.
En appliquant cette restriction au questionnaire tout public, j’ai retiré une dizaine de réponses, notamment des 0-0-0. Mais 10 sur 4282 réponses, c’est plutôt très peu ! À l’inverse, côté prof, je n’avais pas passé les 30 réponses quand j’avais déjà deux réponses exclues : le 1-1-1 déjà mentionné et un 4-4-4 qui semblait tout aussi suspect. La part des trolls me semblait donc pouvoir être élevée…
Autre problème : j’ai accepté un peu précipitamment que des profs qui n’enseignent pas en Terminale en France passent le questionnaire « version prof ». À la réflexion, je me suis dit que c’était une erreur : la correction des copies du bac de philo est vraiment liée à un fonctionnement particulier de la Terminale et du bac, et des profs qui n’ont pas enseigné en Terminale en France peuvent tout à fait l’ignorer. (Ça se voit notamment dans l’écart énorme entre les « moldus philosophes » et les profs qui corrigent effectivement le bac.)
J’avais aussi remarqué quelques participants assez étranges qui ne me donnaient presque aucune information, qui n’écrivaient pas avec une adresse académique, et qui, à la question que je posais sur les diplômes, mentionnaient seulement une licence ou un master de philosophie, ou un diplôme dans une autre discipline.
Vu que quasi tous les profs avaient répondu à la question facultative sur les diplômes, je me suis dit qu’une règle assez simple et efficace pour faire un tri qui m’assure de garder surtout des profs qui ont effectivement une expérience de correction du bac, ce serait de garder seulement les participants qui déclarent avoir le Capes de philosophie ou l’agrégation de philosophie (c’est-à-dire les concours de l’enseignement secondaire en France). Certes, on peut corriger le bac en étant contractuel donc sans avoir ces concours, mais c’est plutôt marginal. (Encore une fois, je cherchais avant tout une règle qui m’assure de ne garder que des participants fiables, quitte à exclure davantage que nécessaire.)
C’est donc en appliquant ces deux règles (exclure les profs donnant la même note aux trois copies + ne garder que les titulaires d’un concours de l’enseignement) que j’ai constitué mon groupe de 54 profs (sur 71 réponses reçues).
Notez que j’ai fait ce choix avant d’analyser les réponses en détail (et avant de les avoir toutes reçues). Pour information, si j’avais inclus aussi les personnes non-titulaires du Capes ou de l’agrégation, ça aurait peu modifié les moyennes et pas du tout les médianes, par contre ça aurait augmenté l’écart-moyen (qui reste quand même plus bas que chez les moldus).
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Êtes-vous impartiaux ?
L’un des aspects qui m’intéressait le plus dans vos réponses, c’était de savoir si l’accord ou le désaccord avec les propos de la copie avait une influence sur la note attribuée. Autrement dit, sacque-t-on les copies avec lesquelles on n’est pas d’accord ?
Côté moldus, si on compare la moyenne des notes attribuées par les personnes qui se déclarent plutôt d’accord avec le contenu de la copie vs. celles qui se déclarent plutôt en désaccord, on observe bien un effet d’environ 1,5 points pour chaque copie :

Il est possible bien sûr que l’effet soit en partie dû au fait que les personnes qui sont en désaccord considère que la copie est mal argumentée ou maîtrise mal les références, mais il est possible aussi qu’elles sont davantage enclines à porter ce jugement parce qu’elles sont en désaccord… Il sera difficile de démêler quelle part de la baisse est attribuable seulement au facteur « en désaccord », mais à première vue ça renforce quand même plutôt l’idée d’une partialité dans la notation moldue.
Côté profs, par contre, il est difficile de conclure quoi que ce soit dans la mesure où le nombre de données est très limité. Ce qui différencie les profs des moldus, c’est déjà ce point-là : les profs sont en général moins nombreux à exprimer un accord ou un désaccord avec le propos des copies. On peut comparer ici la répartition des jugements côté moldus vs. côté profs :


Cela fait que les effectifs pour comparer les notes des profs « d’accord » vs. les notes des profs « pas d’accord » sont super faibles (au moins un des deux groupes compte moins de 10 personnes à chaque fois), donc à moins que l’effet soit énorme on ne pourra pas détecter grand chose ; or, a première vue, l’effet semble plutôt tout petit. Voilà quand même les résultats (à prendre donc avec de gigantesques pincettes) :

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Des inversions de hiérarchies ?
Le problème qui se posent pour comparer les inversions de hiérarchie entre le groupe moldu et le groupe prof, c’est que les écarts entre les moyennes de ces copies sont beaucoup plus grand chez les moldus que chez les profs. Par exemple, les moyennes moldues pour les copies B et C sont 9,68 et 14,26 : sans surprise, 92% des moldus donnent une meilleure note à C qu’à B. Par contre, pour les raisons expliquées dans la vidéo, les moyennes des profs pour ces deux copies sont beaucoup plus proches : 11,19 pour B et 11,06 pour C. La notation de la copie C en particulier est une pomme de discorde chez les profs eux-mêmes. Il n’est donc pas très surprenant que la hiérarchie de ces deux copies divisent les profs : exactement 50% des profs dans mon questionnaire notent B strictement au-dessus de C.
(Par contre, parmi les profs qui mettent B au-dessus de C, on n’en trouve presque aucun qui place C au-dessus de A. C’est cohérent : placer B au-dessus de C signifie qu’on privilégie la pertinence par rapport au sujet plutôt que la restitution de contenu de cours ; or la copie A est beaucoup plus pertinente par rapport au sujet que la copie C qui est presque entièrement hors-sujet.)
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Et les moldus profs ?
Je réponds rapidement à une demande qui m’a été faite plusieurs fois en commentaire sur les résultats pour les moldus qui enseignent (une des question facultatives du questionnaire me permettant de savoir qui d’entre vous a enseigné et à quel niveau).
J’ai regardé vite fait, et ça ne semble pas faire apparaître de gros écart avec le reste du groupe. Flemme de faire un beau graphique mais voilà les résultats :

(Le groupe « profs pas sup » contient ceux qui ont enseigné dans un établissement pas supérieur (donc secondaire, primaire ou maternelle), même s’ils ont par ailleurs enseigné dans le supérieur. Le groupe « profs sup » contient ceux qui ont enseigné SEULEMENT dans le supérieur. Le dernier groupe contient ceux qui ont spécifiquement indiqué n’avoir jamais enseigné.)
Voilà pour aujourd’hui !