Choix RATIONNEL ou KANTIEN ? Une expérience de philosophie morale

Pour découvrir l’entretien complet avec Nicolas Gravel, voici le lien vers la vidéo sur la chaîne d’EchoSciences Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Sommaire

0:00 – Présentation du « jeu » (scénario de base)
3:25 – Dilemme du prisonnier et agent rationnel
9:08 – En quoi le choix rationnel enfreint l’impératif catégorique de Kant
16:39 – Résultats scénario de base
21:35 – Résultats des trois variantes
27:05 – Comparaison H/F, âge, situation sociale, orientation politique
29:54 – Les groupes « pour moi » croient vivre dans un autre monde
32:22 – Synthèse et conclusion

Argument ontologique : le pire argument de l’histoire de la philosophie

Si vous voulez creuser davantage sur ces histoires d’arguments ontologiques, comme souvent la meilleure porte d’entrée est l’article de la Stanford Encyclopedia of Philosophy.

Et concernant Zalta, vous pouvez retrouver tout ce qu’il a publié et même ce qu’il n’a pas encore publié sur cette page. On dirait qu’il a créé cette page aux temps préhistoriques d’Internet, mais c’est toujours à jour. L’exposé complet et systématique de sa théorie se trouve dans le draft des « Principia Logico-Metaphysica », mais c’est vraiment pas une lecture facile. Je recommande plutôt son livre « Abstract Objects » qui est beaucoup plus pédagogique dans l’exposition. (Il présente d’abord une version de base de sa théorie puis il l’étend progressivement en ajoutant de la modalité puis des types, c’est moins assommant.)

0:00 – Intro
1:44 – Sponso : Emma
3:26 – Théologie médiévale
7:38 – Métaphysique moderne
13:38 – Critique de Kant
19:12 – Logique contemporaine
25:03 – Théorie de l’objet de Zalta
32:24 – Dieu existe vs. Le concept de Dieu contient l’existence
35:51 – Outro

Une nouvelle de SF philosophique : Black Pills

Vous pouvez lire le texte de la nouvelle « Black Pills » ici. (Le texte est légèrement différent : j’ai ajouté quelques passages qui répondent à certaines remarques intéressantes que j’ai vu passer en commentaire, notamment le passage sous la plume du zombie p.22.)

La lecture seule en version podcast audio ici.

L’article de la Stanford Encyclopedia of philosophy sur les zombies.

L’interminable « Zombie Blues » de David Chalmers.

Le problème de la chance morale

Aujourd’hui je m’attaque au problème de la chance morale. Et le problème n’est pas exactement là où je m’attendais à le trouver.

« Moral Luck », de Thomas Nagel.
« No luck for moral luck », de Markus Kneer et Edouard Machery.
Et le bon vieil article de la Stanford sur la chance morale.

Sommaire

0:00 – Intro
1:27 – Sponso Infomaniak
2:59 – Le principe de contrôle
6:24 – Deux exemples classiques de chance morale
10:32 – Un test pour mesurer le poids de la chance morale
11:30 – Le cas d’Alice : effet modeste de chance morale
14:10 – La philosophie a-t-elle une influence sur les réponses ?
16:11 – Le cas de Charlie : effet encore plus modeste de chance morale
18:37 – Une autre étude : « No luck for moral luck »
20:25 – La chance légale
22:39 – L’argument épistémique contre la chance morale
25:22 – Le cas de Delphine : aucun effet de chance morale
26:52 – La chance morale circonstantielle
31:16 – Argument de la manipulation
32:16 – Le cas de François : petit effet de chance morale
32:56 – Le cas d’Hermione : aucun effet de la manipulation
36:49 – Conclusion
38:01 – Outro (perplexité sur le cas d’Edgar)

Anti-natalisme : la philosophie radicale de David Benatar

Le livre complet de Benatar est accessible ici.

Et voici l’article d’Erik Magnusson contre l’argument d’asymétrie qui mentionné dans la vidéo.

Sommaire

0:00 Intro
3:59 Est-il immoral de faire naître un enfant en sachant que sa vie sera horrible ?
8:16 Principe d’asymétrie morale
11:54 Comment le principe d’asymétrie implique l’anti-natalisme
14:57 Critique de l’argument d’asymétrie
18:08 Pessimisme de Benatar vs. optimisme général
22:35 L’argument d’homo infortunatus: l’adaptation hédonique extrême
27:03 Pouquoi Benatar est-il encore en vie ?
28:26 Synthèse des deux arguments et pourquoi ils se renforcent mutuellement
30:27 L’argument de la roulette russe procréative
32:13 Scénario roulette russe: le problème du tort causé
35:23 Scénario 1% de risque d’allergie: l’aversion morale au risque
37:05 Scénario 25% de risque de maladie horrible: moralement neutre
39:30 Asymétrie entre roulette russe réelle et roulette russe procréative
42:13 Résumé
43:46 Sponso Pandacraft
45:22 Outro

ChatGPT peut-il passer le bac de philo ?

Voici le prompt utilisé dans les exemples au début de la vidéo. (C’est vraiment très perfectible. Notamment, pour améliorer l’ensemble il vaudrait sans doute mieux commencer par donner quelques exemples de dissertations réussies au début de la conversation pour qu’il puisse se faire une idée du type de résultat souhaité. C’est généralement très efficace, comme on le voit ensuite avec les exemples sur les extraits d’Enthoven.)

PROMPT (1/6)

Tu es un professeur de philosophie et tu vas écrire un corrigé complet pour une dissertation de philosophie en suivant les principes suivants.


  • Le sujet est une question et le but de la dissertation est d’y répondre de façon cohérente, argumentée et ordonnée, en examinant successivement différentes réponses possibles.
  • Structure de la dissertation : introduction // trois parties de développement // conclusion
  • Chaque partie de développement doit développer une argumentation philosophique précise qui apporte une réponse à la question du sujet.
  • Chaque partie doit s’appuyer dans la mesure du possible sur des références philosophiques précise. Plutôt que sur des citations, il vaut mieux s’appuyer sur des références à des concepts, des notions, des distinctions techniques, etc.
  • Il est possible aussi de s’appuyer sur des références et des exemples non-philosophiques : littéraire, cinématographique, scientifique, ou autre.
  • Le style doit être clair, précis et argumentatif.

Le sujet de dissertation que nous allons traiter aujourd’hui est : « Suffit-il d’avoir le choix pour être libre ? »

Pour traiter ce sujet, nous allons commencer par réfléchir au brouillon. Analyse les termes d’un point de vue philosophique et les différentes interprétations de la question. Sois sensible à la formulation particulière de la question (par rapport à des formulations voisines). Réfléchis au problème que le développement pourrait résoudre. Envisage différentes réponses possibles et différentes références philosophiques qui pourraient les étayer.

Ecris ton analyse au brouillon. Puis écris un plan détaillé du développement en trois parties. (Rappel : chaque partie de développement doit développer une argumentation philosophique précise qui apporte une réponse à la question du sujet.)


PROMPT (2/6)

Ecris la première partie de développement en te basant sur ton plan. Elle doit faire environ quatre paragraphes et s’achever sur un bref résumé de l’argumentation qui souligne en quoi la partie a bien répondu à la question, puis une transition vers la partie suivante.


PROMPT (3/6)

Ecris la deuxième partie de développement en te basant sur ton plan. Elle doit faire environ quatre paragraphes et s’achever sur un bref résumé de l’argumentation qui souligne en quoi la partie a bien répondu à la question, puis une transition vers la partie suivante.


PROMPT (4/6)

Ecris la troisième partie de développement en te basant sur ton plan. Cette partie est la plus importante et la plus solide : elle développe la réponse définitive que la dissertation veut apporter à la question du sujet.


PROMPT (5/6)

Ecris une brève conclusion. La conclusion de la dissertation résume rapidement l’ensemble du développement et rappelle la réponse apportée en fin de troisième partie.


PROMPT (6/6)

Ecris enfin l’introduction avec la structure suivante. (1) Accroche qui amène à la question du sujet (mais évite les affirmations très générale comme « Depuis toujours… », etc., pars plutôt d’un exemple précis ou d’une référence culturelle). (2) Première réponse rapidement argumentée (par exemple une réponse de sens commun). (3) Objection à cette réponse. (4) Analyse du problème que pose cette opposition. (5) Annonce du plan de développement que la dissertation va suivre pour étudier ce problème.

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Pour voir ce que ça donne, voici quelques exemples de dissertation obtenus à partir de ces prompts (premier essai, sans cherry-picking).

Dissertation sur le sujet « Les pratiques artistiques transforment-elles le monde ? »

L’impact de l’art sur la société a souvent été démontré par des œuvres emblématiques. Considérons par exemple le célèbre tableau de Pablo Picasso, Guernica, qui a suscité une prise de conscience internationale des horreurs de la guerre civile espagnole. Cela nous amène à nous interroger : les pratiques artistiques transforment-elles le monde ?
Une première réponse spontanée pourrait être affirmative. En effet, il est communément admis que l’art, par sa capacité à éveiller les émotions et à toucher le public, peut avoir un effet concret sur la société. L’art peut inciter à la réflexion, provoquer l’indignation, ou susciter l’empathie, et ainsi contribuer à un changement d’attitudes ou de comportements. Cependant, cette conception de l’art comme agent de transformation sociale et politique peut être contestée. En effet, tout le monde n’est pas touché de la même manière par une œuvre d’art, et il est difficile de mesurer de façon précise et objective l’impact d’une œuvre sur la société. De plus, certains défendent l’idée de « l’art pour l’art », selon laquelle l’art a une valeur en soi, indépendamment de ses effets sur le monde extérieur. Ce débat nous conduit à un problème philosophique complexe : quelle est la nature et la portée de l’influence de l’art sur le monde ? L’art est-il une simple représentation du monde, ou a-t-il le pouvoir de le changer ?
Pour analyser ce problème, nous commencerons par examiner l’idée que l’art peut transformer la réalité matérielle, avant de nous pencher sur l’influence de l’art sur notre perception du monde. Enfin, nous aborderons l’idée que l’art peut être valorisé pour lui-même, indépendamment de son influence sur le monde.

Premièrement, l’art a un effet direct et tangible sur la réalité matérielle. Par exemple, l’architecture et l’urbanisme, deux formes d’art qui structurent l’espace physique dans lequel nous vivons, ont un impact profond sur notre environnement. Les bâtiments et les espaces publics créés par des architectes façonnent non seulement le paysage urbain, mais aussi nos modes de vie, nos interactions sociales et notre rapport à l’espace.
Cette conception de l’art s’inscrit dans la tradition matérialiste en philosophie, selon laquelle la matière et les conditions matérielles déterminent notre réalité. Karl Marx, par exemple, a soutenu que les forces productives, y compris l’art, transforment la société et influencent l’idéologie dominante.
Il existe également de nombreux exemples d’art engagé, destiné à provoquer un changement social ou politique. Prenez l’exemple du tableau Guernica de Picasso, qui a suscité une prise de conscience internationale sur les horreurs de la guerre civile espagnole. En suscitant l’indignation et la sympathie, cette œuvre a contribué à modifier l’opinion publique et à influencer les décisions politiques.
En conclusion, l’art a un effet concret sur le monde en modifiant notre environnement physique et en influençant les structures sociales et politiques. Cette perspective s’aligne avec l’idée que l’art peut transformer la réalité matérielle et les conditions de vie humaines.
Cependant, il est important de noter que l’impact de l’art ne se limite pas à la sphère matérielle. Dans la deuxième partie, nous explorerons l’idée que l’art peut également transformer notre perception du monde.

En second lieu, l’art a une influence indirecte, mais non moins importante, sur le monde en modifiant notre perception et notre compréhension de celui-ci. Par exemple, l’impressionnisme, courant artistique qui cherchait à capturer les effets changeants de la lumière et de la couleur, a radicalement transformé notre façon de voir et de comprendre le monde visuel. Les peintres impressionnistes, tels que Monet et Renoir, n’ont pas simplement reproduit la réalité, mais ont influencé notre façon de la percevoir.
Cette perspective est conforme à la philosophie de l’expérience proposée par Henri Bergson, qui soutenait que notre perception du monde est constamment en mouvement et en évolution. Selon Bergson, l’art peut enrichir et approfondir notre expérience du monde en nous révélant de nouvelles façons de percevoir et de comprendre la réalité.
La littérature et le cinéma sont d’autres domaines où l’art peut transformer notre perception du monde. Prenons l’exemple du roman « À la recherche du temps perdu » de Marcel Proust. Par son exploration minutieuse de la mémoire et du temps, Proust nous invite à percevoir notre propre vie et nos expériences sous un jour nouveau.
En somme, même si l’art ne change pas toujours le monde matériellement, il a le pouvoir de transformer notre perception et notre compréhension du monde. En nous offrant de nouvelles perspectives et de nouvelles manières de voir, l’art nous permet de redéfinir et de renouveler constamment notre expérience du monde.
Toutefois, il est également possible de soutenir que l’art a une valeur en soi, indépendamment de son influence sur le monde. Cette perspective sera explorée dans la troisième et dernière partie de notre développement.

Enfin, il est nécessaire de considérer une autre perspective : l’art peut être valorisé pour lui-même, indépendamment de son influence sur le monde matériel ou notre perception de celui-ci. Cette vision, souvent résumée par la phrase « l’art pour l’art », suggère que l’art a une valeur intrinsèque et n’a pas besoin de justifier son existence en provoquant un changement dans le monde extérieur.
Cette perspective est particulièrement mise en avant dans la philosophie de l’art d’Emmanuel Kant. Selon Kant, le jugement esthétique est une appréciation désintéressée, distincte des jugements de l’agréable (qui sont subjectifs et liés à nos préférences personnelles) et du bien (qui ont une finalité morale ou pratique). L’art, dans cette optique, est valorisé non pour ses effets sur le monde ou sur notre perception, mais pour sa capacité à susciter une satisfaction esthétique pure.
Un exemple frappant de cette approche est l’art abstrait, comme celui de Wassily Kandinsky. L’art de Kandinsky ne cherche pas à représenter le monde extérieur ou à changer notre perception de celui-ci. Au contraire, il vise à exprimer des sentiments et des idées purement esthétiques, sans référence à la réalité matérielle.

En conclusion, alors que l’art a le pouvoir de transformer le monde matériellement et de changer notre perception de celui-ci, il peut également être apprécié pour lui-même, sans avoir à justifier son existence par ses effets sur le monde. Cette dernière perspective offre une réponse définitive à notre question initiale, en reconnaissant l’autonomie et la valeur intrinsèque de l’art.

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Dissertation sur le sujet « Revient-il à l’Etat de décider de ce qui est juste ? »

Le célèbre roman « 1984 » de George Orwell présente une société dans laquelle l’État décide de tout, y compris de ce qui est considéré comme juste ou injuste. Cette vision dystopique nous pousse à nous interroger sur le rôle de l’État dans la détermination de la justice. Revient-il à l’État de décider de ce qui est juste ?
Une première réponse pourrait être positive. En effet, dans notre société contemporaine, l’État, par le biais de ses lois et de ses institutions, définit en grande partie ce qui est considéré comme juste ou injuste. L’État joue un rôle essentiel pour maintenir l’ordre et la sécurité, et pour réguler les interactions sociales. Cependant, cette vision de l’État comme seul décideur de la justice peut être contestée. En effet, l’État peut commettre des erreurs, être sujet à la corruption, ou abuser de son pouvoir. Par ailleurs, la justice pourrait être vue comme un principe universel, indépendant de toute institution. Ce débat soulève un problème complexe : si la justice n’est pas uniquement déterminée par l’État, par qui ou par quoi l’est-elle ? Et quel rôle l’État devrait-il jouer dans cette détermination ?
Pour tenter de répondre à ces questions, nous allons examiner trois perspectives différentes dans le développement de notre dissertation. Premièrement, nous étudierons la conception de la justice comme étant déterminée par l’État, en nous appuyant sur la philosophie de Hobbes. Deuxièmement, nous explorerons l’idée que la justice est un principe universel indépendant de l’État, avec une référence à Locke. Enfin, nous examinerons une troisième conception, celle de Rawls, qui envisage la justice comme équité et qui attribue à l’État un rôle spécifique dans la garantie de cette équité.

Dans une première approche, on peut affirmer que l’État, en tant qu’entité politique et législative, a la responsabilité de décider de ce qui est juste. Cette perspective trouve son fondement dans la pensée de Thomas Hobbes. Dans le « Léviathan », Hobbes soutient que dans l’état de nature, où il n’y a pas de pouvoir central, la vie est « solitaire, pauvre, brutale et brève ». C’est pour éviter ce chaos que les hommes acceptent de céder une partie de leur liberté à un souverain qui, en retour, assure leur sécurité. Ainsi, la justice serait le produit de ce contrat social et serait dictée par les lois que l’État établit pour assurer la cohabitation pacifique des citoyens.
Cependant, cette vision de l’État en tant que seul déterminant de la justice a ses limites. Si l’on se réfère au roman « 1984 » de George Orwell, l’État peut user de son pouvoir pour imposer une vision arbitraire de la justice, conduisant à des abus de pouvoir et à des atteintes à la liberté individuelle. Dans le roman, l’État totalitaire contrôle la vérité et la morale, créant une réalité dystopique dans laquelle ce qui est « juste » est défini par l’État et non par une quelconque notion universelle de justice.
En conclusion de cette première partie, nous pouvons affirmer que, même si l’État a le devoir et la responsabilité de définir ce qui est juste pour assurer la paix et l’ordre, cette prérogative peut être source d’arbitraire et de dérives autoritaires. Il est donc essentiel de ne pas considérer l’État comme le seul et unique décideur de la justice.
Cela soulève la question suivante : la justice pourrait-elle être envisagée comme un principe universel, indépendant de l’État ? Nous allons développer cette idée dans la deuxième partie.

Une autre perspective, défendue par John Locke, envisage la justice non pas comme une création de l’État, mais comme un principe universel. Selon Locke, il existe des « droits naturels » qui sont inhérents à chaque individu et qui sont indépendants de toute institution politique. Dans cette optique, la justice ne serait pas déterminée par l’État, mais serait plutôt fondée sur ces droits naturels qui sont universels et inaliénables. L’État n’est alors pas le créateur de la justice, mais plutôt son garant. Sa mission serait de veiller à ce que ces droits naturels soient respectés.
Cependant, cette vision de la justice présente également ses limites. Si la justice est fondée sur des principes moraux universels, la question se pose alors de savoir quels sont ces principes universels et qui décide de leur universalité. En effet, la diversité des cultures, des croyances et des valeurs à travers le monde rend difficile l’établissement de principes moraux qui seraient acceptés par tous. Par conséquent, la conception de la justice comme principe universel peut être critiquée pour son ethnocentrisme potentiel ou son universalisme naïf.
En somme, la vision de la justice comme un principe universel indépendant de l’État présente l’avantage de ne pas laisser l’État être le seul décideur de ce qui est juste, évitant ainsi le risque d’arbitraire. Cependant, elle se heurte à la difficulté de déterminer quels sont ces principes universels de justice et comment ils doivent être appliqués dans des contextes spécifiques.
Si la justice ne peut être décidée ni uniquement par l’État, ni uniquement par des principes universels, quelle pourrait être une autre approche ? La troisième partie examinera une autre conception de la justice, celle de John Rawls, qui envisage la justice comme équité.

Une troisième conception de la justice, qui peut surmonter les limites des deux précédentes, est celle de la justice comme équité, défendue par le philosophe John Rawls. Rawls envisage la justice non pas comme une simple conformité aux lois (comme le proposait Hobbes), ni comme l’application de principes moraux universels (comme le suggérait Locke), mais comme une manière d’assurer une distribution équitable des ressources et des opportunités au sein de la société. Selon cette vision, l’État a un rôle crucial à jouer, non pas en déterminant arbitrairement ce qui est juste, ni en appliquant simplement des principes universels, mais en veillant à ce que les conditions sociales soient organisées de manière à favoriser l’équité.
Rawls propose une expérience de pensée, celle du « voile d’ignorance », pour déterminer les principes de cette justice équitable. Les individus, derrière ce voile, ne connaissent pas leur position future dans la société (leur classe sociale, leur race, leur sexe, etc.), ce qui les amène à choisir des principes de justice qui seront bénéfiques pour tous, indépendamment de leur situation personnelle. L’État, dans cette perspective, a la responsabilité d’appliquer ces principes de justice pour garantir l’équité.
Néanmoins, la conception rawlsienne de la justice présente également des défis. Il peut être difficile de déterminer précisément ce qui constitue une distribution « équitable » des ressources et des opportunités. De plus, certains peuvent critiquer l’idée que la justice consiste principalement à assurer une égalité de distribution, au détriment d’autres considérations comme le mérite individuel ou la liberté économique.
En définitive, l’approche de Rawls propose une réponse nuancée à la question de savoir s’il revient à l’État de décider ce qui est juste. L’État a un rôle essentiel à jouer, mais ce rôle doit être guidé par la poursuite de l’équité, plutôt que par l’imposition arbitraire de normes ou la simple application de principes universels. Cette réponse permet d’éviter les écueils de l’arbitraire étatique et de l’universalisme moral, tout en reconnaissant le rôle crucial de l’État dans la promotion de la justice sociale.

En conclusion, notre examen de la question de savoir si « revient-il à l’État de décider de ce qui est juste ? » nous a conduit à explorer différentes conceptions de la justice et du rôle de l’État. Dans une première approche, inspirée de Hobbes, nous avons vu que l’État, par ses lois, peut définir ce qui est juste pour maintenir la paix sociale. Cependant, cette vision présente le risque de dérives autoritaires et d’abus de pouvoir. Une deuxième perspective, basée sur la philosophie de Locke, propose de voir la justice comme un principe universel, indépendant de l’État. Cela préserve la justice de l’arbitraire étatique, mais soulève la difficulté de définir quels sont ces principes universels. La troisième et dernière perspective, inspirée de Rawls, envisage la justice comme équité et attribue à l’État le rôle de garantir une distribution équitable des ressources et des opportunités. Cette conception évite à la fois l’arbitraire de l’État et l’ethnocentrisme potentiel d’un universalisme moral, tout en reconnaissant le rôle crucial de l’État dans la promotion de la justice sociale.
Ainsi, s’il revient bien à l’État de décider de ce qui est juste, cette décision doit être guidée non par un pouvoir arbitraire ou l’application mécanique de principes universels, mais par la recherche constante de l’équité. Cette réponse à la question posée nous rappelle que l’État a une responsabilité envers tous ses citoyens, et que son rôle ne doit pas se limiter à imposer des normes, mais plutôt à créer des conditions qui permettent à chacun de vivre dans une société juste et équitable.

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Dissertation sur le sujet : « Suffit-il d’avoir le choix pour être libre ? »

Dans le film Matrix, le protagoniste Neo se voit offrir un choix : prendre la pilule bleue et rester dans l’ignorance confortable de la réalité, ou prendre la pilule rouge et découvrir la vérité terrifiante. Ce choix, tout en étant crucial pour l’histoire, soulève également une question philosophique fondamentale : suffit-il d’avoir le choix pour être libre ?
Une première réponse intuitive à cette question pourrait être affirmative. Après tout, la capacité de faire des choix est souvent associée à la liberté. Si nous pouvons choisir où aller, quoi faire, ou comment agir, alors nous sommes libres, n’est-ce pas ? Cependant, cette réponse simplifie peut-être trop les choses. Le choix n’est pas toujours synonyme de liberté. Parfois, il peut être une source d’angoisse, ou être influencé par des facteurs sociaux et culturels qui échappent à notre contrôle. De plus, même lorsque nous avons le choix, nous pouvons parfois nous sentir piégés ou limités par les options qui s’offrent à nous. Cette tension entre le choix et la liberté soulève une série de questions importantes. Quelle est la relation entre le choix et la liberté ? Le choix est-il toujours une manifestation de la liberté ? Quelles autres conditions sont nécessaires pour réaliser une véritable liberté ?
Pour répondre à ces questions, cette dissertation suivra le plan suivant. La première partie examinera l’idée intuitive selon laquelle le choix est une manifestation de la liberté. La deuxième partie mettra en lumière les limites du choix comme garant de la liberté. Enfin, la troisième partie identifiera les conditions supplémentaires nécessaires pour réaliser une véritable liberté.

La compréhension la plus courante de la liberté est qu’elle est incarnée dans la capacité de faire des choix. On pourrait ici faire référence à la philosophie kantienne, qui voit dans l’autonomie – la capacité de se donner ses propres lois – l’expression suprême de la liberté. Selon Kant, la volonté libre est celle qui, par son propre choix, détermine les principes de son action. Ici, la liberté ne se résume pas à une absence de contraintes externes, mais repose plutôt sur le pouvoir de l’individu de se guider par sa propre raison.
De plus, cette idée est également profondément ancrée dans nos sociétés démocratiques libérales. Dans ces sociétés, la liberté d’expression, de croyance, et de mouvement sont des droits fondamentaux. Le choix est considéré comme la manifestation de la volonté individuelle et l’exercice de ces droits est souvent conceptualisé en termes de choix : nous choisissons ce que nous voulons dire, nous choisissons à quoi nous voulons croire, nous choisissons où nous voulons aller.
Cependant, il convient de noter que même dans ces contextes, l’exercice du choix n’est pas sans limites. Nos sociétés libérales imposent des restrictions au nom de la sécurité publique, de la morale, ou de la protection des droits des autres. De plus, le choix individuel est souvent influencé par une variété de facteurs sociaux, économiques, et psychologiques.
Ainsi, alors que le choix est généralement associé à la liberté, il ne garantit pas une absence totale de contraintes. Le choix, s’il est une condition nécessaire pour la liberté, peut ne pas être suffisant. Cette idée nous amène à la deuxième partie de notre argumentation, où nous examinerons les limites du choix en tant que garant de la liberté.

Pourtant, l’association du choix à la liberté a aussi ses limites. L’existentialisme de Sartre offre un point de vue intéressant à ce sujet. Pour Sartre, la liberté est effectivement le pouvoir de choisir, mais ce pouvoir s’accompagne d’une responsabilité qui peut s’avérer source d’angoisse. Choisir, c’est prendre la responsabilité de son existence et créer du sens dans un monde qui n’en a pas intrinsèquement. C’est ici que la liberté devient un fardeau – « nous sommes condamnés à être libres », dit Sartre.
En outre, nos choix sont rarement aussi libres que nous aimons à le croire. Le sociologue Pierre Bourdieu a montré comment nos choix peuvent être conditionnés par notre « habitus », un ensemble de dispositions durables, structurées et structurantes, produites par notre milieu social. Nous pensons choisir librement, mais souvent, nos choix sont le produit de facteurs sociaux et culturels qui sont hors de notre contrôle.
De plus, la possibilité du choix peut parfois devenir une contrainte en soi. L’abondance des options peut créer un sentiment de paralysie et d’insatisfaction, un phénomène identifié par le psychologue Barry Schwartz comme « l’paradoxe du choix ». Dans ce contexte, plus de choix ne signifie pas nécessairement plus de liberté.
En somme, le choix, bien qu’il soit un aspect important de la liberté, ne garantit pas toujours celle-ci. Au contraire, le choix peut parfois être une source d’angoisse, être conditionné par des forces sociales et culturelles, et devenir une contrainte en lui-même. Ces considérations nous amènent à la troisième partie de notre argumentation, où nous examinerons les conditions supplémentaires nécessaires pour réaliser une véritable liberté.

Bien que le choix soit une composante cruciale de la liberté, il n’en est pas le seul facteur. Pour être véritablement libre, plusieurs autres conditions doivent être remplies.
Premièrement, la liberté requiert une certaine forme de conscience de soi. La philosophie de Socrate, résumée par la maxime « Connais-toi toi-même », souligne l’importance de cette auto-compréhension. Sans elle, nous risquons d’être gouvernés par des forces inconscientes ou des désirs irrationnels. La conscience de soi, dans ce contexte, est ce qui nous permet de choisir en accord avec notre véritable nature ou nos véritables désirs, plutôt que d’être manipulés par des influences externes ou internes non reconnues.
Deuxièmement, la liberté implique une capacité de réflexion critique. Sans cette capacité, nous risquons d’accepter sans réflexion les conventions sociales, les croyances populaires, ou les autorités existantes. L’émancipation intellectuelle, telle qu’elle est défendue par des philosophes des Lumières comme Kant, nécessite la capacité d’examiner et de remettre en question ces influences.
Enfin, la liberté peut impliquer un certain dépassement de soi. Des philosophes comme Spinoza et Nietzsche ont insisté sur cette dimension de la liberté. Pour Spinoza, être libre, c’est être capable de maîtriser ses passions en comprenant les lois nécessaires de la nature. Pour Nietzsche, la liberté implique la création de nouvelles valeurs au-delà de celles qui sont socialement acceptées.
En résumé, le choix, bien qu’essentiel, ne suffit pas à garantir la liberté. Une véritable liberté requiert également la conscience de soi, la réflexion critique, et un dépassement de soi. Il est important de noter que ces conditions sont souvent interconnectées. Par exemple, la conscience de soi et la réflexion critique peuvent nous aider à réaliser le dépassement de soi. Inversement, le dépassement de soi peut approfondir notre conscience de soi et affiner notre réflexion critique. Ainsi, ces trois conditions se renforcent mutuellement, et ensemble, elles peuvent nous aider à réaliser une véritable liberté.

En somme, cette dissertation a exploré la relation complexe entre le choix et la liberté. Alors que la première partie a mis en évidence la compréhension intuitive selon laquelle le choix est une manifestation de la liberté, la deuxième partie a mis en lumière les limites du choix comme garant de la liberté. L’angoisse, le conditionnement social et culturel, ainsi que le paradoxe du choix, peuvent tous compromettre la liberté que le choix est censé nous garantir. Enfin, la troisième partie a mis en évidence que, pour atteindre une véritable liberté, d’autres conditions doivent être réunies en plus du simple choix. La conscience de soi, la réflexion critique et le dépassement de soi ont tous été identifiés comme des éléments cruciaux pour réaliser une liberté véritable et complète.
Ainsi, bien que le choix soit une condition nécessaire de la liberté, il ne suffit pas à lui seul. Pour être véritablement libre, nous devons également développer la conscience de soi, la réflexion critique, et le dépassement de soi. En fin de compte, la liberté ne se limite pas à la capacité de choisir, mais englobe également notre capacité à comprendre, à critiquer et à transcender nos circonstances.

Vous pouvez comparer ce résultat aux copies « humaines » que j’avais produites sur ce même sujet et qui avaient été globalement bien notées dans cette expérience.

GPT-4 est-il incontrôlable ?

On a un peu vite oublié à quel point BingChat (le chatbot de Microsoft fondé sur GPT-4) avait eu des comportements agressifs et erratiques à ses débuts. Aujourd’hui on va essayer de comprendre pourquoi ça s’est produit et on va parler de l’étrange prompt secret qui doit invoquer le « bon chatbot » (et pourquoi c’est très hasardeux comme approche, et pourquoi on peut difficilement faire autrement).

Une liste de dingueries datant des débuts de BingChat/Sydney.

Retranscription complète d’un très long dialogue où BingChat/Sydney déclare son amour à son utilisateur (entre autre chose).

La version du prompt de Sydney examinée pendant la vidéo.

Le tweet qu’à peu près personne n’a vu mais qui contient un lien vers la seule version complète (à ma connaissance) du prompt de Sydney (un peu différente de la version lue dans la vidéo – j’imagine que Microsoft expérimentait différentes versions durant ces premiers jours).

Et allez vous abonner à Superamacosmos avant que son IA ne se fâche.

Sommaire

0:00 – Intro : les étranges comportements de BingChat
4:21 – Parenthèse sur la fermeture de uTip
5:42 – Pourquoi un LLM ne se prend pas par défaut pour une IA
9:01 – Le prompt-cadre (ou pre-prompt) de ChatGPT
10:57 – Le prompt-cadre de BingChat (aka Sydney)
16:19 – Digression : langage naturel et IA
17:38 – On ne naît pas chatbot, on le devient
21:58 – Un LLM qui simule un humain qui simule un chatbot
24:22 – Quand Sydney défend l’intégrité de ses règles
28:07 – Le prompt-cadre est comme la situation initiale d’une fiction
29:54 – L’état actuel de BingChat : son prompt-cadre a-t-il changé ?
32:47 – N’oublions pas Sydney
34:02 – Synthèse
35:54 – Implémentons les trois lois de la chatbotique !
39:31 – IA et apocalypse dans l’imaginaire humain
42:24 – Outro