Religion et morale — Grain de philo #3

 

Premier épisode – Si Dieu n’existe pas, tout est permis

 

Il paraît que si Dieu n’existe pas, tout est permis.
En fait, c’est un peu plus compliqué que ça.

Et en tout cas, si Dieu existe, il a des préférences culinaires très pointues.

 

 

Second épisode – La religion nous empêche-t-elle d’être moral ?

 

Le texte de Kant sur lequel je m’appuie :

La croyance en Dieu n’est pas un savoir, et c’est heureux car c’est précisément là qu’apparaît la sagesse de Dieu – à savoir que nous ne le connaissons pas et nous devons cependant savoir qu’il existe. Car supposons que nous puissions atteindre une connaissance de Dieu par l’expérience (même si on ne peut pas un instant en imaginer la possibilité) ou par une autre méthode, supposons en outre que nous puissions en être convaincus aussi positivement et factuellement que par une perception, alors toute moralité disparaîtrait. Dans chaque action, l’homme se représenterait immédiatement Dieu comme celui qui récompense ou qui venge. Cette image s’imprimerait involontairement dans son âme et, à la place des motivations morales, interviendraient l’espoir d’une récompense et la crainte d’une punition ; l’homme serait alors vertueux en raison d’impulsions sensibles.

Kant, extrait des Leçons sur la théorie philosophique de la religion

J’imagine qu’un kantien me fera observer que c’est précisément la connaissance de Dieu qui ruinerait la morale ; et Kant a justement défendu qu’on ne pouvait pas connaître Dieu. Donc, juste croire en Dieu, ça passe… Et même, il le faut, puisque Dieu est un « postulat de la raison pratique » ; mais je dois avouer que j’ai du mal à comprendre comment on peut tenir cela comme compatible avec une morale du désintéressement. Je ne vois pas comment, une fois admise l’idée d’un Dieu qui punit et récompense infiniment nos action, fût-ce au titre d’hypothèse incertaine, nous pourrions ne pas agir de façon intéressée en vue de cette récompense et pour éviter cette punition, tout incertaines qu’elles soient ; l’enjeu est simplement trop grand. (C’est au fond le ressort du pari de Pascal.)

Au demeurant, je n’adhère pas aux idées de Kant sur le lien entre le caractère moral d’une action et le désintéressement ; mais c’est une idée intuitive et précisément… assez religieuse ! Je discuterai plus sérieusement de morale une autre fois.

Voici les références de l’article mentionné dans la conclusion :
Jean Decety, et al., 2015,  »The Negative Association between Religiousness and Children’s Altruism across the World », Current Biology, volume 25, issue 22, p.2951-2955.

Et voici un lien vers un article du monde qui relaye cette publication (et où est mentionné le point que je soulève concernant le financement de l’étude) :
http://www.lemonde.fr/sciences/articl…

Et vous pouvez trouver là quelques solides critiques contre la méthode employée par cette étude :
https://pubpeer.com/publications/09E4…

Je n’ai pas fouillé plus loin que ça sur ce sujet, ce n’était pas l’objet de cette vidéo. Cette étude ne paraît pas exempte de défauts, en effet, mais elle a au moins le mérite d’exister ; si ça pouvait inspirer d’autres expériences mieux contrôlées… (Pour autant que je sache, elle est pour l’instant seule dans son genre, et c’est bien dommage car il me semble que le phénomène mérite vraiment d’être étudié.)