La place de la philosophie dans le futur lycée

[EDIT 16 février – Pas le temps de faire un nouvel article et tout n’est pas encore précis, mais en tout cas on peut dire que j’avais vu juste : ce sera 4h de tronc commun pour la série générale (ancienne S, ES et L), autant que d’heures de français en 1ere, ce qui semble logique ; et au moins 2h de philo pour les techno (même si rien n’est précisé de ce côté). Et on aura bien de la philosophie parmi les parcours de spécialités, peut-être même un peu en 1ere. Globalement, la philosophie voit sa place au lycée consolidée plus que jamais et les profs de philo ont de quoi se réjouir. Pour autant est-ce une bonne nouvelle pour les élèves ? Si ça ne s’accompagne pas d’un sérieux changement dans les programmes et les modalités d’évaluation, je n’en suis pas si sûr. Mais ce sera l’objet d’un autre billet peut-être un jour…]

 

Le rapport Mathiot présentant la future réforme du lycée vient de paraître et il se trouve qu’on m’a interpellé à plusieurs reprises au sujet de la place de la philosophie dans le futur lycée, notamment dans le fil de ce tweet abondamment partagé.

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Principaux sujets d’indignation, donc : la philosophie aurait disparu des Majeures (parcours de spécialisation) ; et pire encore, il n’y aurait plus que 2h de philosophie en tronc commun pour la seule année de Terminale.

Mais à y regarder de plus près, le rapport ne dit, ni ne suggère, rien de tel ; c’est même plutôt le contraire : si ce qu’il préconise est appliqué, le poids de la philosophie, aussi bien symbolique que réel, sera plutôt renforcé dans le futur lycée par rapport à la situation actuelle.

(Pour ma part, je ne suis pas convaincu que ce soit forcément une si bonne chose, c’est même plutôt quelque chose qui me semble un peu effrayant ; mais comme beaucoup s’indignent exactement du contraire, je trouvais intéressant d’essayer de voir ce qu’il en est. Ne me jetez pas des tomates tout de suite, s’il vous plaît.)

Très peu d’épreuves resteront au contrôle terminal, mais il y a un point sur lequel le rapport est clair : l’épreuve écrite de philosophie en fera partie. C’est même la seule discipline que les lycéens devront tous passer au contrôle terminal : « épreuve universelle », selon les mots du rapport (formule d’une emphase cocasse et peut-être involontaire, mais en tout cas cela met, au moins symboliquement, la philosophie dans une position importante) ; la seule autre épreuve universelle étant un « Grand oral » qui ne relève pas d’une discipline particulière et sera, par définition, différent pour chacun. Bref, l’écrit de philosophie est assuré d’être plus que jamais LE symbole du baccalauréat, la seule vraie épreuve universelle, et l’on aura encore droit à cette folle matinée de juin où tous les JT citent et commentent plus ou moins ironiquement les sujets de philo… « Vous avez 4 heures. » Youpi.

Symboliquement, donc, on laisse la philosophie sur son piédestal (et, croyez-moi, ce n’est pas un truc qui m’enchante particulièrement – mais ce n’est pas l’objet de ce post). Ok pour le symbole, me direz-vous, mais ça n’empêche pas forcément qu’on réduise le poids réel de la philosophie dans l’enseignement. Eh bien, l’autre point sur lequel le rapport est explicite concernant la philosophie permet d’attendre tout à fait le contraire. Concernant cette épreuve écrite de philosophie, les auteurs du rapport préconisent en effet ceci (et ce n’est pas au détour d’une phrase, c’est dans un paragraphe à part, en gras) :

Nous proposons que le poids de la philosophie dans le total du baccalauréat soit de 10 % pour tous les candidats.

Euh… sérieusement ? 10% ?? J’ai l’impression que cette info est un peu passée inaperçue mais elle est particulièrement surprenante !

Concrètement, ça veut dire qu’un 15 à l’écrit de philosophie pèserait 1,5 point dans la note finale du bac, ceci quel que soit le parcours de l’élève ; et je rappelle que parmi les élèves concernés par la réforme, plus du quart sont actuellement dans des séries technologique où le poids de la philo est très faible (autour de 3%).

10%, cela correspond à peu près au poids qu’a aujourd’hui la philosophie en série ES : la philosophie y a un coefficient 4 et est enseignée 4h par semaine, et tous les professeurs de philosophie vous diront qu’il n’en faut pas moins. (Je pense que cette comparaison avec les ES leur parlera particulièrement : quand on a une ES, on considère qu’on fait partie des matières plutôt importante pour le résultat au bac des élèves ; eh bien, imaginez qu’il en sera de même pour tous vos élèves, même vos élèves de série technologique.)

En somme par rapport à la situation actuelle, le poids qu’on donnera à la philosophie sera beaucoup plus important pour les élèves de série technologique (multiplié par 3 environ !), et un peu plus important aussi pour les élèves de série S. C’est seulement pour les parcours littéraires que le poids de la philosophie pourrait être moindre, sauf pour les élèves qui choisiront une Majeure avec de la philosophie (car, oui, il y en aura, on y vient !)

On peut noter aussi que ce poids de 10% est le même qui est proposée pour les épreuves anticipées de français (oral + écrit) : on donne carrément à la philosophie la même importance que le français, et ceci pour tous les élèves ! Mais là où les élèves ont toute une scolarité pour se familiariser avec le français comme matière, et beaucoup d’heures en 1e pour se préparer à ces épreuves particulières, les élèves ne découvriront la philosophie qu’en Terminale et devront se préparer en une seule année à cette épreuve universelle. Combien d’heures faut-il pour cela ? – Voilà ce que le rapport ne précise pas…

Venons-en donc à ces douloureuses questions de volume horaire. Notons tout d’abord que le rapport ne précise pour aucune discipline un volume horaire exact. Par contre, il est précisé qu’il y aura en Terminale un tronc commun de 6 disciplines, dont la philosophie, pour un volume horaire total de 12h.  De là, certains semblent avoir inféré : ce sera 2h par discipline ! – Sauf que rien, à ma connaissance, ne l’indique. Par contre, il est précisé dans le paragraphe qui suit immédiatement cette mention des 12h :

« La  place de la philosophie est particulière au vu de son double statut de discipline élémentaire – au sens d’une discipline dont le premier niveau d’enseignement est proposé en terminale – en terminale et de son statut d’épreuve universelle parmi les épreuves terminales du baccalauréat. »

Cela me paraît indiquer de façon assez claire que la philosophie devrait recevoir un volume horaire plus important que les autres matières. (Je note d’ailleurs que le rapport fait, deux paragraphes plus haut, une observation similaire concernant le français en 1e dont on peut croire, en effet, qu’il aura un volume horaire conséquent en vue de préparer les élèves aux épreuves anticipées, comme c’est déjà le cas aujourd’hui.)

Si vous vous demandez quelles disciplines du tronc commun pourraient être enseignées moins que 2h, on peut noter qu’une de ces disciplines est une nouveauté : « Culture et démarche scientifique ». J’ai du mal à croire que cela représentera plus d’une heure par semaine (Je parierais plutôt sur une heure toutes les deux semaines, comme l’EMC actuellement.)

Soit dit en passant, je trouve plutôt alléchante la description de cette nouvelle « chose ». (Je n’ai jamais cessé de répéter à mes élèves de série littéraire, qui se désintéressent de la science sous prétexte qu’ils suivent un parcours littéraire, que la culture scientifique pour un non-scientifique reste, aujourd’hui plus que jamais, importante !) J’imagine que l’enseignement pourrait en revenir, en partie, aux professeurs de philosophie : cela serait dans la continuité de beaucoup de choses que nous abordons en cours.

Bref, le raisonnement « 12h pour 6 disciplines, donc la philosophie n’aura que 2h » paraît tout à fait douteux. En outre, comment imaginer qu’une discipline dont on augmente le poids dans le bac au point qu’elle comptera pour 10% de la note finale, et qui n’est découverte et enseignée qu’en un an, pourrait n’être dotée que de 2h par semaine ? Comme mentionné plus haut, le poids des épreuves anticipées de français en 1e est le même que celui de l’épreuve de philosophie en Terminales ; pourquoi les professeurs de philosophie ne pourraient-ils pas légitimement demander que le nombre d’heures consacrées à la philosophie soit comparable au nombre d’heures consacrées au français en 1e ?

En somme, je ne vois pas comment ces deux propositions (10% du poids pour le bac / 2h par semaine) pourraient être tenues en même temps ; et puisque la première est explicitement formulée et mise en avant, tandis que la seconde n’est pas du tout exprimée, il me semble bizarre de donner davantage de crédit à cette dernière !

Mais combien d’heure alors ? Au moins 3h, ça me paraît difficile d’en douter. Et en vérité, même 4h ne me surprendrait pas tant que ça ; ce serait cohérent avec le coefficient promis à la philosophie. Plus vraisemblablement, j’imagine quelque chose entre 3 et 4h avec des arrangements intermédiaires, par exemple grâce aux heures de « Démarche et culture scientifique » en complément… Globalement, si l’on compte l’augmentation que ça représente pour les élèves des actuelles séries technologiques qui passeront de 2h hebdomadaires à un peu plus de 3h, le nombre d’heures obligatoires pour la philosophie ne devrait pas tant diminuer ; elles seront seulement mieux réparties entre tous les élèves : les séries techno en auront nettement plus, les S autant ou un peu plus, les ES moins, et les L (qui ne représentent aujourd’hui qu’une petite minorité) en auraient beaucoup moins (sauf ceux qui choisiront une Majeure contenant de la philo, bien sûr).

Et si le volume horaire de la philosophie de tronc commun était bien 4h, le nombre total d’heures obligatoires de philosophie augmenterait considérablement par rapport au nombre actuel total d’heures enseignées ! Et je ne parle que des heures obligatoires auxquelles devraient s’ajouter les heures enseignées en Majeure et Mineure.

Passons donc au deuxième sujet d’indignation : les élèves pourront choisir des Majeures constituées de plusieurs disciplines, et (ô Dieu tout-puissant !) la philosophie ne ferait partie d’aucune !  – Ok, c’est juste faux. Elle en fera bien partie. Mais effectivement le texte du rapport est un peu confus à ce sujet. En gros, le texte présente la liste des Majeures avec les matières de 1e, dont la philosophie ne fait pas partie ; mais il est bien précisé plus loin :

« Le statut particulier (…) de la philosophie (qui est proposée comme discipline élémentaire à partir de la terminale) doit conduire à envisager une évolution de ces Majeures entre la première et la terminale, notamment pour intégrer la philosophie à au moins deux Majeures. »

Donc, oui, il y aurait bien au moins deux Majeures incluant la philosophie en Terminales.

Il semble raisonnable de croire que l’une de ces deux Majeures incluant la philosophie sera « littérature / langues et civilisation de l’Antiquité », où la philosophie remplacera la littérature en Terminale (et ce sera la voie royale pour les prépas littéraires les plus distinguées…). Quant à l’autre Majeure, le rapport esquisse « une sixième Majeure qui associerait les SES ou l’histoire-géographie avec une discipline littéraire » ; cette matière littéraire pourrait-elle être la philosophie dans l’année de Terminale ? (Cela me semble préférable à l’inclusion de la philosophie dans la Majeure « littérature / enseignements artistiques et culturels »…)

Je déplore que la philosophie soit, pour l’instant, réduite aux parcours littéraires. Je suis le premier à défendre une conception non-littéraire de la philosophie, davantage scientifique. Quitte à avoir une approche modulaire, pourquoi ne pas oser aller jusque là ? D’ailleurs, le rapport préconise lui-même des Majeures plus « disruptives ». (Sans rire, ils l’ont écrit.) Eh bien, une Majeure qui associerait philosophie et sciences serait disruptive à souhait, n’est-ce pas ? Et pourquoi pas inclure la philo dans cette Majeure dès la 1?… Mais je rêve… (Malheureusement, il semble absolument exclu de commencer la philo avant la Terminale. C’est une chose bizarre et regrettable.)

Pour résumer, la place de la philosophie au lycée ne semble pas spécialement menacée par ce que préconise ce rapport ; en fait, si le but est d’obtenir un maximum d’heures obligatoires de philosophie en Terminales, ce rapport fournit plutôt lui-même un excellent argument à faire valoir : le poids de 10% de la philosophie sur la note finale du bac pour tous les élèves, c’est un poids sans précédent ! Et cela appelle un volume horaire sans précédent ! Si l’on veut que tous les élèves soient sérieusement préparés à une épreuve universelle ayant un tel poids, et symboliquement si importante, un nombre d’heures d’enseignement à la hauteur paraît indispensable, aussi indispensable que les heures de français en 1e !

Une dernière chose : si l’on donne un tel poids à la philosophie, il me paraît tout aussi indispensable de mettre de l’ordre dans les modalités d’évaluation et dans les contenus enseignés. On a beau s’en défendre parce que cela ne fait pas honneur à notre belle discipline, je crois qu’à peu près tous les enseignants de philosophie seront d’accord pour dire que… hum… c’est le bordel ! Je pense particulièrement à la notation des élèves de série technologique. On s’accommode plus ou moins de la situation aujourd’hui parce que le poids de notre coefficient dans ces séries est faible, mais songez que ce ne sera plus le cas. Imaginez corriger votre paquet de 120 copies de bac de séries technologique en sachant que chaque point que vous mettez ou refusez représente un dixième de point de la note finale de l’élève au bac. Personnellement, je ne me sentirais pas à l’aise. Nos attentes sont extrêmement vagues et indéterminées, nos critères de notation très, très flous pour ces séries… même si une très bonne copie sortira toujours du lot, bien sûr.

Bon, voilà ! Si j’ai dit des bêtises, corrigez-moi. Vous pouvez me jeter des tomates maintenant, ou les manger. C’est à voir.

(J’ajoute que je n’ai voulu parler que de la place de la philosophie qui ressort de ce rapport, et rectifier les informations étranges que je voyais abondamment partagées ; il reste plein de raisons de détester ou non cette réforme, bien sûr ; il n’est pas nécessaire d’en inventer de fausses !)

12 réflexions au sujet de « La place de la philosophie dans le futur lycée »

  1. Je pense qu’il serait très intéressant que vous expliquiez pourquoi la sacralisation de la philosophie au lycée n’est pas forcément une bonne idée pour la démocratisation de la pensée philosophique. Personnellement, je compare un peu cela à la scène de début du « Meilleur des mondes » quand des enfants reçoivent des chocs électriques quand ils approchent de livres, afin de les dissuader d’en ouvrir une fois adulte. Sauf que le choc électrique est remplacé par une épreuve scolaire souvent incomprise, redoutée et pour beaucoup traumatisante. « Vous avez 4 heures ! » En conséquence, bien des gens ont de l’urticaire quand ils entendent le mot Philosophie ou philosophes, et se disent que ce n’est pas pour eux.

    Est-ce aussi votre pensée sur la sacralisation scolaire de la Philosophie ?

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  2. Les précautions verbales dans le rapport concernant la philosophie ( style place particulière de celle ci ) sont probablement dues à la présence dans la commission Mathiot de Souad Ayada ,doyenne ou ex doyenne de l’IG de philosophie . Dans les faits les conséquences seront bien celles vues par certains de nos collègues : un arasement de la discipline ou une réduction a la portion congrue .On gardera la vitrine c’est tout .Macron sera le premier président à avoir eu la peau de cet enseignement .Signe des temps .Disons le clairement si ce projet est adopté nous pouvons dire adieu à un certain confort en termes de volume horaire et les débats sur le dédoublement d’heures de certaines filières nous apparaitront comme des soucis de nantis .On pourra aussi se demander dans quelle galère un étudiant en philo ira s’aventurer .Par humanité il faudra lui conseiller de trouver une autre voie .Au fait la candidate adverse du jeune prodigue de la politique proposait le statu quo dans le domaine de l’éducation : le maintien des filières différenciées avec leur quota horaire pour chaque discipline et celui du bac national .On a les gouvernants qu’on mérite .

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    • Si les précautions ne sont que verbales et ne sont pas suivies d’effet, peut-être, mais dans ce cas lire le rapport ne vous apprendrait rien quoi qu’il en soit ; et je ne prétends pas que le rapport sera appliqué, je dis juste ce qu’il en serait s’il l’était ! Et s’il l’était, je vois mal comment on pourrait donner à la philosophie moins que 3h ; les élèves et les parents eux-mêmes pourraient à bon droit être terrifiés qu’on laisse une matière ayant un tel poids sur le résultat du bac être préparée en si peu d’heures !

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  3. Merci pour ces explications.
    Je déplore également que la philosophie reste associée à la littérature, et que le lien avec les sciences, les arts, la technologie… le monde réel soit écarté.
    -Elle conserve aux yeux du plus grand nombre une image mystique et compliquée, parfois tabou.
    Hors la discipline pourrait être enseignée à divers degrés : s’il faut être en L, ou mature, pour lire Kant, l’existentialisme de Sartre pourrait être abordé en BEP, de plus ça encouragerait ces élèves trop mal considérés.
    – Pour parler d’expérience : j’ai fait l’affront de sortir de la voie générale (S) dans laquelle on m’avait rangé parce que « bonne élève », j’ai préféré le BAC génie civil donc technologique. (Esprit constructif🤔) Vous savez les classes que les profs aiment appeler « classes poubelles » !
    Une part du problème est bien là, dans la classification des élèves. L’idée que se fait l’éducation nationale de la philosophie et des élèves est tordue et regrettable.
    – aimer la philosophie ce n’est pas lire et répéter des livres compliqués mais Raisonner
    -C’est utopiste mais il manque un cercle vertueux où le raisonnement serait reconnu dans toutes les orientations donc enseigné.

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  4. J’ai l’impression qu’il faut distinguer deux choses.

    1/ Tu as raison de dire que 10% de la note totale signifie plutôt un accroissement du coefficient de la philo. Pas non plus un accroissement spectaculaire, mais quand même.
    _En TS, si je compte bien, les coefficients additionnés donnent 40 ou 41 (en laissant de côté le poids bonus des « épreuves facultatives »). Et la philo est actuellement coeff 3. Donc on est à 8%, ou un peu moins.
    _En TES, coefficient additionné de 38, philo coeff 4, on est actuellement un peu au-dessus de 10%.
    _En TL on est à 7 sur 35 ou 37. Donc 20% ou un peu moins. Evidemment on est perdant (en laissant de côté l’épreuve de majeure, s’il y en a bien une – voir les réserves du rapport quant au nombre d’épreuves finales en philo, même si c’est peut-être de l’oral transversal que la philo serait exclue si le rapport était suivi à la lettre)
    _En TT (et il y a beaucoup plus de TT que de TL actuellement), comme tu le dis, on est aux alentours de 3%.

    2/ CEPENDANT la logique de toutes les réformes du secondaire de ces dernières années, c’est de diminuer son coût, en se débarrassant plus rapidement des élèves. En témoigne notamment la mise à la trappe du redoublement. C’est dans le supérieur que la sélection va s’opérer, et dès l’entrée dans le supérieur (numerus closus…). Il me semble donc qu’il y a de fortes chances qu’on « donne » au moins autant le bac à l’avenir qu’à présent.
    DU COUP, le lien logique coeff important > nombre d’heures conséquent me semble… fragile. Car il ne faut pas oublier que l’épreuve de philo est prévue fin juin, càd NE COMPTERAIT PAS POUR LA SELECTION DANS LE SUPERIEUR.
    Tu me diras : actuellement c’est pareil. Mais actuellement, le cas de la philo n’est pas l’exception, c’est la règle. Cette exception est un peu préoccupante, non ? C’est vrai qu’elle peut aussi s’expliquer par la préoccupation de pas nous payer à rien f*** durant la dernière quinzaine de juin, vu qu’on est les seuls à avoir que des term, donc les premiers à être « en vacances » (en dehors de la correction des copies, mais Mathiot dit qu’on est un peu des chochotes et qu’en vrai, c’est pas si long que ça à corriger, une copie de philo. Je suppose qu’il a un escalier à vingt marches ou un dé à vingt faces).
    Ma prévision, et j’espère qu’elle s’avèrera infondée, c’est qu’on nous mettra la pression pour qu’on ne saborde pas au dernier moment des moyennes fragiles. Càd qu’on nous demandera de noter suffisamment haut à l’exam final. Et ça en soi tant mieux, on note sans doute trop bas (= les épreuves ne sont pas super adaptées).

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    • L’augmentation que représentait les 10% était surtout énorme pour les séries techno, qui représentent quand même un quart des élèves. Cela revenait à multiplier par 3 le poids de la philosophie pour des élèves qui justement sont souvent peu à l’aise avec cette discipline. Bref, ça ne me semblait pas l’idée du siècle, pour être honnête. (J’ai tendance à penser que la philosophie, tant qu’elle est enseignée et évaluée de façon aussi floue et variable, ne devrait pas avoir un poids important pour l’obtention du bac.)

      En tout cas, les récentes déclarations de Blanquer semblaient revenir sur l’idée d’en finir avec les séries : on garderait bien différentes séries, et en particulier des séries technologiques. Du coup, je parie qu’on se dirige plutôt vers un tronc commun de 4h en série générale et de 2h en série techno, ce qui me paraît plus raisonnable (et j’imagine que le coup des 10% ne tiendrait que pour les séries générales).

      J’ai fait le calcul : le nombre d’heures obligatoires enseignées dans cette configuration serait juste un peu moindre que le nombre total d’heures enseignées aujourd’hui (ce qui ne veut pas dire qu’on aurait moins d’heures en fin de compte car il faudra ajouter aux heures obligatoires les heures de Mineures et de Majeures, si bien qu’on pourrait avoir une augmentation du volume total d’heures de philosophie enseignées). De cette façon-là, les effectifs et le nombre de poste seraient maintenus ; ça aura surtout pour effet de lisser les différences entre les séries générales (4h pour tous) et de ne donner un volume vraiment important de philo qu’à ceux qui le souhaitent, via une Mineure ou Majeure.

      Je ne doute pas que les profs ayant eu des L pousseront de long soupirs contre la fin de la série littéraire et de ses 8h de philo, mais honnêtement, dans une classe de L (et j’en ai eu), il y a rarement plus qu’une poignée d’élèves qui tirent réellement profit d’avoir 8h de philo plutôt que 4 (et à la limite, plutôt que 0…) Ces 8h de philo en L m’ont toujours paru une absurdité, évidemment assez plaisante en tant que prof, mais dont une majorité d’élèves souffrent (surtout si le prof n’est pas top).

      Quant à la pression qu’on nous mettra au niveau des notes du bac, je pense surtout à ceci qu’en donnant un tel poids à la philosophie dans la décision finale (pour les élèves un peu juste, beaucoup de choses se joueront là, en effet…), on aura encore plus de raison de s’inquiéter des aléas de la notation et de nous en accuser… à juste titre ! Non pas que nous notions aléatoirement, je ne le pense pas du tout, mais les exigences si différentes d’un prof à l’autre et l’absence totale de barème font que la note d’une copie varie considérablement selon le correcteur ; je diminue toujours l’importance de cela face aux élèves parce que je ne veux pas décrédibiliser ma discipline et parce qu’ils auront tendance à exagérer l’importance de cet aléas, mais c’est la stricte vérité et c’est un réel problème. (Les dernières réunions d’harmonisation auxquelles j’ai assisté m’ont vraiment démoralisé…)

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  5. Merci pour ta réponse, force est d’admettre que, d’après les dernières infos que je trouve, tes prévisions se vérifient entièrement : http://www.lemonde.fr/education/article/2018/02/15/dans-le-nouveau-bac-le-poids-des-humanites-est-plus-important_5257500_1473685.html
    – 4h de philo tronc commun pour toutes les sections
    – les terminales techno « exclues » de la réforme ? j’ai entendu dire une chose et son contraire y compris mercredi même, où le second de Blanquer disait que la réforme concernait bien les TT, dans Du grain à moudre… mais dans cet article, il n’est pas question de spécialités correspondant aux terminales techno.

    Concernant l’horaire des L… je me réjouis d’avoir l’occasion d’essayer l’horaire actuel une ou deux fois d’ici la réforme, jusque là ça ne m’était encore jamais arrivé. Sur le papier, 8h semble en effet astronomique. Mais le programme est astronomique.
    Ce qui pourrait nous arriver de mieux, je trouve (je vais commencer à formuler mes voeux, vu que le précédent vient d’être exaucé : peut-être un bon génie est-il lancé dans une série), c’est l’adoption d’un programme tournant.
    > On aurait un tas de notions, comme actuellement, et même davantage (la mort, l’amour, la guerre, l’animal, etc. peut-être « la connaissance » ou « la science », ou d’autres en épistémo car il y a un problème avec ce chapeau je crois, c’est comme s’il ne permettait pas de poser certaines questions…)
    > Et chaque année, on aurait une combinaison d’un nombre limité de notions. Genre : cinq. Voire même quatre. MAIS avec l’exigence de les croiser. Du coup le nombre de sujets qui peuvent tomber ne serait plus hallucinant (entre 1000 et 2000 problématiques ces vingt dernières années, suivant les façons de compter), en particulier sur une notion comme l’art, qu’on peut passer un an à voir sans faire le tour des problématiques sur lesquelles les élèves pourraient se retrouver à sec.

    Mettons qu’on ait par exemple : liberté, morale, technique, vivant. Il me semble que les champs problématiques délimités par les croisements sont assez clairs : responsabilité, mais pas liberté politique. Question de savoir si les moyens techniques étendent notre liberté en étendant nos possibilités, ou les enferment dans des dépendances et des conditionnements. Problèmes de bioéthique, d’éthique des biotechnologies. Question de la neutralité morale (ou pas) des moyens techniques. Question de la marge de manoeuvre des animaux (qui permet, là, par contre, de faire un peu de métaphysique : par quels arguments la distinction classique entre l’homme doté de libre-arbitre et les animaux déterminés par l’instinct est-elle étayée, ou au contraire remise en cause.) Enfin, question des techniques animales, du mythe du Protagoras à Jane Goodall et au-delà, en passant par 2001 l’Odyssée de l’espace… ce qui forcerait à faire un peu d’éthologie sérieuse.
    Pour moi, il n’y a que comme ça, avec peu de notions, qu’on aurait la possibilité de traiter les problèmes de façon approfondie, continuellement stimulante pour nous, intéressante pour des élèves toujours déroutés par le manque de mise à jour de certains contenus qu’on leur ânonne (ce qui ne signifie pas qu’il faille jeter tout de suite nos vieilles distinctions… mais que Kant n’est pas la Bible sur l’art, et qu’il y a des points objectivement contestables dans les textes qu’on leur donne à lire).

    Un système de ce genre permettrait :
    _de ne pas renoncer à la dimension « universelle » du champ de la discipline. C’est juste qu’on ne parlerait pas de tout tous les ans. De toute façon, on y arrivait pas. Ou bien : mal.
    _de préciser chaque année un, peut-être deux textes, de longueur moyenne, intermédiaire entre les textes type bac (généralement bien trop courts pour contenir de des « argumentations » substantielles) et le format lecture suivie d’une oeuvre, délirant pour des terminale. Par ex. : 1500-2000 mots
    _que les éditeurs ne soient pas perdus, dès l’heure qu’il existerait toujours un panel de notions de références. Ils pourraient continuer à faire des manuels semblables à ceux qui existent.

    Je partage totalement ton diagnostic sur les épreuves, en particulier en section techno. Je ne sais pas si tu as jeté un oeil aux sujets test de « composition », le nouveau format à l’essai dans des sections test cette année (hôtellerie). Il y a du bon et du moins bon. http://philotextes.info/spip/spip.php?article108
    C’est surtout une épreuve compliquée dans ses attendus, parce qu’une fois de plus, c’est une épreuve au rabais, quoiqu’un peu moins grossière que l’existante. Une épreuve qu’on met à des élèves dont on se dit qu’idéalement, on aimerait qu’ils fassent autre chose (une dissert, un comm), mais qu’ils n’ont pas le niveau. Je ne comprends pas pourquoi on n’essaie pas tout simplement le format : rédigez un dialogue. Tu donnes le sujet, deux positions de départ, que l’élève a le droit de faire évoluer (ils se convainquent ou pas…), il a le droit d’introduire un ou deux zigues supplémentaires. Tous les sujets ne se prêtent pas à ce format : surtout les sujets à plan dialectique. Mais c’est un mode d’échange d’idées quand même plus naturel que l’échange par parties de dissertations interposées… Ca encouragerait les élèves à toujours se demander quelles objections on peut faire à une idée, quelles réponses on peut trouver, etc. Au lieu de camper sur deux positions caricaturales qui se font face en chiens de faïence dès le brouillon, où elles sont séparées par un grand trait qu’ils tracent parfois avant d’avoir lu le sujet.
    Je sais pas, les fois où j’ai essayé j’ai trouvé ça assez concluant. Ils ont déjà fait de l’écriture d’invention. Ils sont pas trop emm**és par leurs éventuelles difficultés stylistiques. Bref : on évite que ce soit une épreuve de français, on se recentre sur l’argumentation.
    Quant à l’épreuve sur texte, si on veut en maintenir une… dans l’hypothèse où on aurait un texte par an, on pourrait proposer un autre texte, plus court, semblable dans son format aux actuels, ou un peu plus longs, et la consigne serait de travailler sur la façon dont ce texte interroge celui travaillé en classe, ou est remis en question par lui, etc. Et par contre le texte qu’on donnerait ne serait pas forcément un texte de « grand auteur ». On pourrait donner, je sais pas, un bout de Joëlle Proust si on a donné la Lettre au Marquis de Newcastle. Ou bien aussi bien Benveniste commentant von Frisch. Ou Aristote.

    Concernant les problèmes de notation enfin, je pense qu’un prof qui ne ferme pas les yeux en réunion d’entente, ou qui n’a pas fait partie que de réunions d’entente organisées de façon à ce qu’on puisse les garder clos, ne peut que partager ton constat. La règle de l’évaluation d’une copie par écrit, à bulletin caché, en l’entendant, est particulièrement utile, elle évite que les notes se lissent à mesure que les gens les annoncent, lorsque le tour de table progresse. Certes, leur répartition n’est jamais absolument arbitraire. Il y a souvent un regroupement d’une part statistiquement importante des profs dans une fourchette réduite. Mais il y a souvent une ou deux notes plus élevées, une ou deux plus basses, et au final entre la plus élevée et la plus basse, un bel écart. Et ce ne sont pas toujours les mêmes qui se retrouvent avec les mêmes rôles, ce serait trop simple !
    Quand les discussions peuvent avoir lieu, il me semble qu’elles aboutissent à montrer que
    – tout dépend souvent d’une part d’éléments considérés comme éliminatoires par certains. Càd qu’il y a un truc qui ne passe pas, même si la copie a des qualités. Par ex. : pas d’auteurs. Ou bien : pas aperçu un sens d’une notion du sujet.
    – et d’autre part souvent d’éléments considérés comme devant être valorisés par certains. Par ex. : la copie ne traite pas le sujet, mais il y a plein de connaissances exactes sur la notion alors que les autres ne savent rien. Ou bien : aucune méthode d’analyse, mais un foisonnement d’exemples concrets qui justifierait presque de placer son prof en stage chez l’élève plutôt que l’inverse (ça arrive…).
    Je crois que si le champ des sujets tombables était moins délirant, bref, si on arrêtait, à la limite, de confondre les exigences légitimes du capes avec les exigences raisonnables pour un élève qui a fait un an de philo, ces difficultés seraient déjà bien réduites.

    D’autant qu’on pourrait imaginer que la combinaison de notions au programme l’année d’après soit décidée chaque année par un groupe de travail dont les membres seraient tirés au sort dans la profession. Et de se doter enfin de vrais organes de travail en commun pour partager et échanger des idées, des références à aborder sur ces programmes nouveaux chaque année, (et nos questionnements).

    (Ca va, bon génie, tu as pu tout noter ? Un peu de chantilly et des éclats de pécan, aussi. Caramélisés.)

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    • Haha en voilà un paquet de propositions stimulantes. L’idée d’une épreuve sous forme dialoguée est vraiment chouette. Au moins à titre d’exercice en cours d’année ça se tenterait bien !

      L’idée d’un programme plus resserré et tournant, ce serait en effet super ; mais j’ai tendance à penser que se contenter d’intitulés de notions est trop vague et ne permet pas d’avoir d’attendus précis en termes de contenu, or j’ai l’impression que ce serait ça le plus important : avoir un vrai programme qui fixe un contenu précis (du coup avoir une ou deux oeuvres précises au programme chaque année, lisibles par les élèves et si possibles pas trop datées – genre un classique + un contemporain) ce serait vraiment très très bien.

      Juste pour préciser mon point concernant les contenus : suppose qu’on ait la culture et le vivant comme notions à croiser ; maintenant, imagine lire dans une copie de bac une stupidité comme « Il n’y a aucune culture animale, etc. » (sans aucune remise en cause de ce point de vue dans la suite de la copie), il est impossible de savoir si l’élève écrit ça parce qu’il ne se souvient pas du cours de son prof qui lui a enseigné exactement l’inverse, ou s’il se souvient correctement du cours de son prof qui le lui a enseigné (prof incompétent mais parfaitement dans son droit, sans doute aura-t-il pu citer bien des grands auteurs à l’appui de sa thèse – il aura juste oublié de se renseigner sur l’état actuel des connaissances… mais bon rien ne l’oblige à le faire malheureusement !). Du coup, dans le doute, parce que je déteste l’idée de sanctionner un bon élève pour avoir eu un mauvais prof, j’éviterai de sanctionner. Et voilà pourquoi on finit par ne plus savoir vraiment ce qu’on note… Si le programme exprimait clairement des requisits en terme de contenu (par exemple, en l’occurrence, parler des cultures animales), on pourrait au moins légitimement sanctionner un élève qui se tromperait à ce sujet ; ce serait un début. Evidemment ces éléments de connaissance objective ne font pas tout dans une copie, mais c’est quand même important ; et ça constituerait une sorte de socle commun qui donnerait un peu plus l’impression à tous les élèves de différents profs de suivre bien le cours d’une même discipline. (Parce que parfois, les élèves ont de quoi douter que ce soit bien le cas… Même si c’est un truc que les profs de philo, ultra attachés à leur liberté pédagogique, ont du mal à accepter, j’ai envie de défendre qu’un peu plus d’uniformité au moins dans les contenus enseignés serait clairement bénéfiques aux élèves, même si ça risque de heurter les (mauvaises) habitudes de beaucoup de profs.

      Je ne sais pas si tu connais le groupe Facebook « Enseigner la philo » (groupe fermé réservé au prof de philosophie), mais il y a beaucoup de discussions vives (et interminables) sur toutes ces questions si cela t’intéresse.

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  6. Ok. Peut-être est-ce l’argument décisif qui finira par me décider à me mettre sur fb, alors. Je cherchais justement un moyen de procrastiner un tas de copies.

    Je vois quand même deux éléments de réponse au problème que tu soulèves.

    Mettons qu’un élève écrive effectivement : y’a pas de culture animale.

    (Il pourrait d’ailleurs avoir eu comme prof quelqu’un d’aussi rigoureux et excellent dans son genre que Simone Manon : http://www.philolog.fr/la-culture/ Je ne dirais pas que c’est mon idéal absolu en matière d’approche de la discipline, mais force est de reconnaître que c’est souvent balèze – et plus généralement de saluer l’initiative louable de mettre en ligne des cours qui auraient pu tous être vendus à Ellipses et consorts – càd monnayés aux élèves, plutôt que mis à leur diposition…)

    Tu as plusieurs critères je crois pour évaluer la copie :
    1/ que racontent les autres élèves du paquet ? Quand on corrige un paquet, on voit quand même se dessiner les lignes d’un cours. Bien sûr, le paquet contient généralement des copies d’élèves de plusieurs profs. Ok, ça reste bien trop hasardeux pour être érigé en méthode avouée.
    2/ de fait, tu vas jamais défoncer le tas tout entier. Ou bien pas sans recueillir l’avis des collègues en réunion d’harmonisation. A moins d’être un peu bouché^^. L’an dernier, j’avais une moyenne étonnamment haute (TT ST2S), en travaillant en groupe j’ai compris que j’étais vraiment tombé sur un excellent paquet, et pas seulement d’humeur à mettre dix-huit à la terre entière par amour de l’humanité.
    3/ et surtout, surtout : est-ce que c’est argumenté, construit, articulé, cohérent ?

    Le problème qu’on va rencontrer, si on commence à définir précisément des attendus, c’est que
    – oui, on doit simplifier, clairement, comme en histoire, comme dans toutes les matières. Les élèves ont besoin de repères, et de les croire un peu stables, s’ils les sentent immédiatement branlants, ils risquent d’être perdus ça s’entend…
    – sauf que voilà : il y a plusieurs façons défendables de simplifier.
    Par ex., je n’ai jamais supporté de m’en tenir sans commentaire à l’opposition supposée entre désir et besoin. On désire couramment des choses dont on a besoin (boire, quand on a – vraiment – soif) ce seul argument suffirait à ruiner l’opposition catégorique nécessaire/superflu. Et je passe sur un paquet d’autres, des AJR à Maslow. Mais il se trouve que dans la terminologie même qu’ils emploient, les auteurs n’utilisent pas une langue universelle qui permettrait de traduire toutes leurs théories dans le même espace discursif bien lisse. Epicure parle de « désirs nécessaires et naturels ». Girard, lui, précise d’emblée que les envies alimentaires en général sont pour lui exclues de la catégorie désir, même si elles ne relèvent pas d’un besoin alimentaire urgent.
    > sur de nombreux débats, il n’y a pas du tout consensus ne serait-ce que sur la façon pertinente de résumer les débats et de décrire le champ des positions. L’article de synthèse de Lauria sur le désir, par ex., encyclo-philo.fr/desir-a/ est très stimulant, mais contenterait-il un lacanien ? Un hégélien ? Un deleuzien ?
    Autre exemple : tu proposes de définir « bonheur » par « souverain bien » (en gros) dans une de tes dernières vidéos (sur Nozick), en évacuant de la définition la « couleur affective » de ce sentiment. Evidemment certains s’empresseraient de dire « au contraire, pour rester fidèle au sens commun, il faut garder impérativement dans la définition une référence à la connotation agréable, souriante, de plaisir/joie – en tranchant ou pas entre la sérénité, l’euphorie, la chance, tandis que le fait de postuler a priori que ce qu’un individu fait passer avant tout le reste, c’est précisément ce qu’il faudra appeler son bonheur, tranche un débat important sur l’architectonique des valeurs – et la question de savoir si je peux ou pas préférer la vérité, le devoir, ou plus radicalement, si c’est possible de ne pas vouloir le bonheur).

    Au fond, tout dépend comment ces précisions sont apportées, en quelle quantité. Je dois faire partie des profs attachés à leur liberté d’enseignement, j’imagine. Je suis surtout très attaché à l’approche par notion, et à l’analyse notionnelle. Les notions sont une porte d’entrée privilégiée dans la discipline, parce que ce sont des mots que les élèves connaissent déjà (sauf « le sujet »). Il n’y a parfois qu’à se rendre compte de la façon dont on emploie certains mots pour commencer à faire de la philo.

    Zut, finalement j’ai encore commis un post à rallonge. Mais en résumé j’ai l’impression que nous sommes assez d’accord : « ouf pour les heures, mais est-ce que ça s’annonce pas un statu quo pour le prog et les épreuves ? ». J’arrête de t’embêter et je vais terminer ce paquet.

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