À chacun sa morale ? | Relativisme vs. réalisme | Grain de philo #12

 

Je fais remarquer dans la vidéo que les déontologistes s’accordent sur la forme absolue et universelle du devoir moral, mais non sur son contenu. Or, un kantien rigoureux me ferait remarquer que, justement, cette forme absolue et universelle de l’impératif catégorique détermine son contenu. Cette forme est telle qu’il y aurait en fait un seul impératif catégorique exigeant d’agir de telle sorte que l’on puisse toujours aussi vouloir que la maxime de notre action devienne une loi universelle, et tous les autres impératifs moraux seraient dérivés de cet unique principe. J’aimerais vraiment développer tout cela dans une vidéo, car c’est intéressant, subtil, profond, mais aussi… peu convaincant, je trouve, pour beaucoup de raisons.

kant.jpgDe fait, les déontologistes ne s’accordent guère sur le contenu du devoir ; l’exemple le plus fameux est sans doute celui du mensonge. Pour Kant, nous avons toujours le devoir de dire la vérité, en particulier même si ceux qui nous la demandent ont l’intention de s’en servir pour nuire à autrui, comme par exemple des assassins qui demanderaient où se trouve l’ami que vous savez caché chez vous (c’est l’exemple que Kant donne lui-même) ; évidemment, à peu près personne après Kant ne soutiendra une telle chose. Un déontologiste peut faire valoir par exemple que nous n’avons le devoir de dire la vérité qu’à ceux qui y ont droit, et qu’assurément celui qui demande la vérité pour nuire à autrui n’y a pas droit. (C’était la solution que proposait Benjamin Constant ; Kant, visiblement agacé du reproche qu’on faisait à sa théorie, y a répondu dans un opuscule acrimonieux intitulé D’un prétendu droit de mentir par humanité, où il persiste et signe : « La véracité dans les déclarations que l’on ne peut éviter est le devoir formel de l’homme envers chacun, quelque grave inconvénient qu’il en puisse résulter pour lui ou pour un autre ».)

Qu’il y ait des désaccords entre déontologistes n’est pas en soi une objection : le problème c’est surtout qu’on ne voit absolument pas ce qui pourrait les arbitrer, on voit même mal sur quoi porte les désaccords, puisque les impératifs moraux n’expriment rien de factuel. Un conséquentialiste pourrait au moins réfléchir en fonction des conséquences, bonnes ou mauvaises, de l’application de ces règle, ce qui déplace le débat sur la question de savoir ce que sont ces conséquences (questions factuelles) et ce qui compte pour une conséquence bonne ou mauvaise (question plus délicates, mais que je tiens pour moins absurde que les questions purement déontologiques) ; or pour un pur déontologiste comme Kant, réfléchir aux conséquences des actions n’a strictement rien d’un raisonnement moral, donc le débat ne peut pas se situer là non plus…

 

La guillotine de Hume

On attribue à Hume l’idée qu’on ne peut pas passer d’un is à un ought, c’est-à-dire d’un être à un devoir être. Mais à vrai dire, il n’a jamais rien écrit de tel ; cette fameuse « loi » ou « guillotine de Hume », comme elle est souvent appelée, tire son origine du passage suivant du Traité de la nature humaine, où le philosophe écossais s’exprime de façon bien plus prudente :

Painting_of_David_Hume.jpg« Je ne puis m’empêcher d’ajouter à ces raisonnements une observation qu’on trouvera peut-être de quelque importance. Dans tous les systèmes de moralité que j’ai rencontrés jusqu’ici, j’ai toujours remarqué que l’auteur procède quelque temps de la manière ordinaire de raisonner, et établit l’existence d’un Dieu, ou fait des observations, concernant les affaires humaines ; quand soudain je suis étonné de
trouver qu’au lieu de rencontrer les copules habituelles est et n’est pas, je ne trouve aucune proposition qui ne soit connectée avec des doit ou ne doit pas. Ce changement est imperceptible, mais a néanmoins de grandes conséquences. Car comme ce doit ou ne doit pas exprime quelque nouvelle relation ou affirmation, il est nécessaire que celle-ci soit observée et expliquée, et qu’en même temps une raison soit donnée pour ce qui semble tout à fait inconcevable, que cette relation puisse être une déduction d’autres qui en sont entièrement différentes. Mais comme les auteurs n’utilisent pas fréquemment cette précaution, je me permets de la recommander au lecteur, et je suis persuadé que cette petite attention fera succomber tous les systèmes vulgaires de moralité et nous fera voir que la distinction entre le vice et la vertu n’est pas fondée simplement sur la relation entre objets ni n’est perçue par la raison. »

 

Wittgenstein, Conférence sur l’éthique

Plusieurs passages de la vidéo m’ont été suggéré par la Conférence sur l’éthique de Wittgenstein (mais sa position dans ce texte n’est pas celle que je défends). En voici quelques extraits sympathiques :

« Je traite, comme vous le savez, de l’éthique et j’adopterai l’explication que le professeur Moore a donnée de ce terme dans ses Principia Ethica. Il dit : « L’éthique est l’investigation générale de ce qui est bien. » Je vais maintenant utiliser ce terme dans un sens un peu plus large, en fait dans un sens qui inclut ce qui est, je crois, la partie essentielle de ce qu’on appelle communément l’esthétique. Et, pour vous faire voir aussi clairement que possible ce que je pense être le sujet propre de l’éthique, je vous soumettrai un certain nombre d’expressions plus ou moins synonymes, telles que l’on puisse toutes les substituer à la définition ci-dessus. (…)

Or la première chose qui nous frappe dans toutes ces expressions, c’est que chacune d’elles est en fait employée dans deux sens très différents. Je les appellerai d’une part le sens trivial ou relatif, et d’autre part le sens éthique ou absolu.

product_9782070355181_195x320.jpgPar exemple, si je dis : voilà une bonne chaise, cela signifie que cette chaise sert à certaine fin prédéterminée, et le mot « bon » que nous employons ici n’a de signification que dans la mesure où cette fin est déjà préétablie. En fait, le mot « bon » dans le sens relatif signifie tout simplement : qui satisfait à un certain modèle prédéterminé. Ainsi quand nous disons de quelqu’un qu’il est un bon pianiste, nous entendons par là qu’il peut jouer de la musique d’un certain degré de difficulté avec un certain degré de dextérité. Et, similairement, si je dis qu’il est important pour moi de ne pas m’enrhumer, j’entend par là que le rhume produit dans ma vie certain dérangements qu’il est possible de décrire ; et si je dis que c’est là la bonne route, j’entends par là que c’est la bonne route pour atteindre un certain but. Employées de cette façon, ces expressions ne suscitent pas de difficultés ni de problèmes graves.

Mais ce n’est pas là la façon dont l’éthique les emploie. Supposons que, si je savais jouer au tennis l’un d’entre vous, me voyant jouer, me dise : « Vous jouez bien mal » et que je lui réponde : « Je sais que je joue mal, mais je ne veux pas jouer mieux », tout ce que mon interlocuteur pourrait dire serait : « Ah bon, dans ce cas, tout va bien. » Mais supposez que j’aie raconté à l’un d’entre vous un mensonge extravagant, qu’il vienne me dire : « Vous vous conduisez en goujat » et que je réponde : « Je sais que je me conduis mal, mais de toute façon, je ne veux aucunement mieux me conduire », pourrait-il dire alors : « Ah bon, dans ce cas tout va bien »? Certainement pas ; il dirait : « Eh bien, vous devez vouloir mieux vous conduire. » Là, vous avez un jugement de valeur absolu, alors que celui de l’exemple antérieur était un jugement relatif.

Dans son essence, la différence entre ces deux types de jugement semble manifestement consister en ceci : tout jugement de valeur relative est un simple énoncé de faits et peut par conséquent être formulé de telle façon qu’il perde toute apparence de jugement de valeur. Au lieu de dire : « C’est là la bonne route pour Granchester », j’aurais pu dire tout aussi bien : « C’est là la route que vous avez à prendre si vous voulez arriver à Granchester dans les délais les plus courts »; « Cet homme est un bon coureur » signifie tout simplement qu’il parcourt un certain nombre de kilomètres en un certain nombre de minutes, etc.

Ce que je veux soutenir maintenant, bien que l’on puisse montrer que tout jugement de valeur relative se ramène à un simple énoncé de faits, c’est qu’aucun énoncé de faits ne peut être ou ne peut impliquer un jugement de valeur absolue.

Permettez-moi de l’expliquer ainsi : supposez que l’un d’entre vous soit omniscient, et que par conséquent il ait connaissance de tous les mouvements de tous les corps, morts ou vivants, de ce monde, qu’il connaisse également toutes les dispositions d’esprit de tous les êtres humains à quelque époque qu’ils aient vécu, et qu’il ait écrit tout ce qu’il connaît dans un gros livre ; ce livre contiendrait la description complète du monde. Et le point où je veux en venir, c’est que ce livre ne contiendrait rien que nous appellerions un jugement éthique ni quoi que ce soit qui impliquerait logiquement un tel jugement. Naturellement, il contiendrait tous les jugements de valeur relatifs, toutes les propositions scientifiques vraies, et en fait toutes les propositions vraies qui peuvent être formulées. Mais tous les faits décrits seraient en quelque sorte au même niveau, et de même toutes les propositions seraient au même niveau.

Il n’y a pas de proposition qui, en quelque sens absolu, soit sublime, importante ou triviale. Sans doute quelques-uns parmi vous en conviendront, se souvenant de ce que dit Hamlet : « Rien n’est bon, rien n’est mauvais, c’est la pensée qui crée le bon ou le mauvais. » Mais ceci à nouveau pourrait donner naissance à un malentendu. Les paroles d’Hamlet semblent impliquer que le bon et le mauvais, bien que n’étant pas des qualités du monde extérieur, sont des attributs de nos états d’esprit. Au contraire, ce que je veux, dire, c’est qu’un état d’esprit (dans la mesure ou nous entendons par cette expression un fait que nous pouvons décrire) n’est ni bon ni mauvais dans un sens éthique. Par exemple, si nous lisons dans notre livre du monde la description d’un meurtre, avec tous ses détails physiques et psychologiques, la pure description de ces faits ne contiendra rien que nous puissions appeler une proposition éthique. Le meurtre sera exactement au même niveau que n’importe quel autre événement, par exemple la chute d’une pierre. Assurément, la lecture de cette description pourrait provoquer en nous la douleur, la colère ou toute autre émotion, ou nous pourrions lire quelle a été la douleur ou colère que ce meurtre a suscité chez les gens qui en ont eu connaissance, mais il y aura là seulement des faits, des faits — des faits mais non de l’éthique.

35._Portrait_of_Wittgenstein.jpgAussi me faut-il dire que si je m’arrête à considérer ce que l’éthique devrait être réellement, à supposer qu’une telle science existe, le résultat me semble tout à fait évident. Il me semble évident que rien de ce que nous pourrions jamais penser ou dire ne pourrait être cette chose, l’éthique ; que nous ne pouvons pas écrire un livre scientifique qui traiterait d’un sujet intrinsèquement sublime et d’un niveau supérieur à tous autres sujets. Je ne puis décrire mon sentiment à ce propos que par cette métaphore : si un homme pouvait écrire un livre sur l’éthique qui fût réellement un livre sur l’éthique, ce livre, comme une explosion, anéantirait tous les autres livres de ce monde. Nos mots, tels que nous les employons en science, sont des vaisseaux qui ne sont capables que de contenir et de transmettre signification et sens — signification et sens naturels. L’éthique, si elle existe, est surnaturelle, alors que nos mots ne veulent exprimer que des faits ; comme une tasse à thé qui ne contiendra jamais d’eau que la valeur d’une tasse, quand bien même j’y verserais un litre d’eau.

(…)

Tout ce à quoi je tendais — et, je crois, ce à quoi tendent tous les hommes qui ont une fois essayé d’écrire ou de parler sur l’éthique ou la religion — c’était d’affronter les bornes du langage. C’est parfaitement, absolument, sans espoir de donner ainsi du front contre les murs de notre cage.

Dans la mesure où l’éthique naît du désir de dire quelque chose de la signification ultime de la vie, du bien absolu, de ce qui a une valeur absolue, l’éthique ne peut pas être science. Ce qu’elle dit n’ajoute rien à notre savoir, en aucun sens. Mais elle nous documente sur une tendance qui existe dans l’esprit de l’homme, tendance que je ne puis que respecter profondément quant à moi, et que je ne saurais sur ma vie tourner en dérision. »

L’expérience de pensée du gros livre est restée assez célèbre ; on la met souvent en rapport avec la loi de Hume précédemment citée.

Les deux derniers paragraphes cités sont les deux derniers de la conférence, et ils font clairement écho à l’appel au silence qui conclut son Tractatus Logico-philosophicus, écrit une décennie plus tôt : « Sur ce dont on ne peut parler, il faut se taire. » Le travail de philosophe consiste à tracer les limites du langage, de ce qui est exprimable, de ce qui peut être dit ; les propositions éthiques n’en font pas partie, donc il faut se taire à ce sujet. Mais cet appel au silence se double ici d’un appel au respect : certes, nous ne pouvons rien dire d’éthique, mais nous ne pouvons nous empêcher d’essayer, et cette tendance à « donner ainsi du front contre les murs de notre cage » montre quelque chose en l’homme pour quoi Wittgenstein confesse avoir le plus profond respect. Bon… Je ne sais pas trop quoi en dire, donc en fait je crois que je vais me taire.

Voilà !

 

6 réflexions au sujet de « À chacun sa morale ? | Relativisme vs. réalisme | Grain de philo #12 »

  1. Quel rythme de sortie de vidéos ! Ça fait plaisir, mais est-ce-que ça ne t’épuise pas ?

    Un petit commentaire cependant.
    Je vois que les textes de Hume et de Wittgenstein témoignent d’une distinction entre descriptif et prescriptif et, pour être plus précis, d’une déconnexion complète entre ces deux dimensions. D’après ces auteurs, le prescriptif (« tu dois ») prétend ordonner au descriptif (« ce qui est ») alors que rien ne le fonde lui-même : il sort un peu de nulle part.
    L’exposition du déontologisme éthique et, plus particulièrement, du kantisme insiste sur ce caractère « sorti de nulle part » du prescriptif.
    Et toi de conclure, avec rien de moins que les mots de Wittgenstein, que ce problème est insoluble, mais que ça n’empêche pas à l’homme d’essayer.
    Ai-je bien compris le sens général de la chose ?

    Cependant, pourquoi ne pas imaginer que quelque chose fonde le prescriptif ? Et pourquoi pas− quitte à faire dans l’invraisemblable − le descriptif lui-même ? Selon cette conception ce qui est informerait sur ce qui doit être, et ce qui doit être aurait alors légitimité à informer (= donner sa forme à) le prescriptif. Je m’explique.
    Ce modèle est fondamentalement essentialiste, c’est-à-dire qu’il repose sur l’idée que l’homme a une essence déterminée (modèle plus trop en vogue, mais qui a le mérite d’exister). En ce cas, la distinction que Wittgenstein établit entre le « bon » dans « une bonne chaise » et celui dans « une bonne action » : est dit « bon » ce qui est conforme et qui suit l’essence de la chose, la bonne chaise est une chaise adéquate à sa fonction, un homme bon est un homme qui réalise son essence par des actes moraux.
    Mais comment connaître cette essence ? Dans l’hypothèse où, justement, comme dit Wittgenstein, l’un de nous serait omniscient, il connaîtrait assez de faits pour saisir plus ou moins bien l’essence humaine et déterminer alors ce qui ou non serait bien pour lui. De même la description d’un crime, si l’on connaît par ailleurs l’essence humaine, permettrait de savoir qu’il est opposé à l’essence humaine.
    Pour revenir à ce que je disais au début de ce paragraphe, le descriptif pourrait alors informer le prescriptif (et inversement, bien sûr).

    Deux remarques, bien plus marginales.
    Pourquoi peut-on ne pas vouloir être bon au tennis, alors qu’on est tenu d’agir moralement ? D’après le modèle essentialiste ébauché plus haut : parce qu’on naît humain, alors que l’on devient, ou non, joueur (amateur ou non) de tennis.
    Si la question du mensonge met définitivement Kant hors jeu, il n’est pas pourtant vrai que cela montre l’impossibilité d’un quelconque déontologisme éthique. À nouveau, qu’y a-t-il de plus immoral (contraire à l’essence humaine, dans le modèle concerné) entre laisser tuer et tromper ? Les impératifs ne sont donc pas catégoriques, mais circonstanciés, car ancrés dans le réel.

    Bien sûr, l’essentialisme peut susciter des questions, mais je suis sûr que creuser de ce côté ne serait pas inutile.

    Salutations d’une chose pensante,
    Dwayn

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    • La position que vous décrivez fait penser à l’éthique de la vertu, dont je parle dans le billet sur Nietzsche, et qui connaît un certain regain d’intérêt depuis quelques temps. En effet, c’est une position tenable, inconfortable par certains aspects, mais tenable !

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  2. Je pense ( j’en suis même sûr) que la Morale est directement liée au concept de Bien et de Mal. Lorsqu’on cherche à définir une Morale absolue, on cherche en fait à lister dans les catégories Bien, Mal et Indifférent toutes les actions possibles, en précisant les contextes de ces actions (tuer un enfant pour éviter une poursuite judiciaire et tuer un enfant car celui-ci avait l’intention et la capacité de détruire la planète n’est pas jugé de la même manière). Mais pour pouvoir lister ces actions, il faut d’abord définir ce qu’est le Bien et le Mal. On pourrait définir le Bien et le Mal comme des états de la nature, par exemple : un être vivant vivant est Bien et un être vivant mort est Mal. Et donc ensuite on pourrait lister les actions en fonctions des conséquences qu’ils amènent : tuer a pour conséquence de changer le statut d’un (ou plusieurs) être vivant vivant au statut d’être vivant mort (j’ai fait ici abstraction du contexte pour ne pas faire un exemple trop long). Mais qu’est-ce qui nous permet de définir le Bien et le Mal ? Dans une moindre mesure, on définit le bien et le mal comme ce qui est bénéfique ou non à un objectif que nous voulons atteindre : vendre des produits illicites me permet de gagner plus d’argent et me rendre riche et je serais plus heureux, donc pour moi je fait une bonne chose en faisant cela. Pour définir le Bien et le Mal absolue il faudrait alors trouver l’objectif absolue, la quête de la vie. Faut-il préserver le plus de vie possible ? Ne faut-il se soucier que de la survie de son espèce ? Quel est le but du Jeu de la Vie ? Si un dieu existe, alors il est peut-être possible qu’il existe un but ainsi que des règles (comme les 10 commandements). Mais si on ne pense pas qu’il existe un tel dieu, et, allons même bien plus loin, si on ne pense pas que le libre arbitre existe, est-ce que le concept même de Morale a un sens ? Je pense pour ma part que c’est comme pour le libre arbitre: « L’important ce n’est pas de savoir si le libre-arbitre existe ou pas, il faut surtout que tout le monde soit convaincu qu’il existe » comme le dit David de ScienceEtonnante dans sa vidéo sur le libre-arbitre.

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  3. D’abord, MERCI pour tout le contenu partagé jusqu’ici et à venir, c’est très bien fait, c’est intelligent, c’est tout le contraire d’ennuyeux et surtout c’est GÉNÉREUX!

    Ensuite une réflexion qui m’est venue sur le mensonge, la déontologie, (et puis un peu, du coup, sur le conséquentialisme). Quoiqu’éprouvant moi-même une certaine aversion pour le mensonge, se manifestant surtout par une sensation de malaise si j’en viens à mentir sciemment (et je ne demande à personne de me croire sur parole mais plutôt à chacun de se sonder sur ce point), j’ai tendance à penser que cette aversion ne vient pas tant d’un caractère fondamentalement immoral du mensonge, que de la somme des expériences qui m’indiquent intuitivement que le mensonge, en ce qu’il est en principe plus difficile à soutenir que la simple vérité, tend à être mis au jour tôt ou tard.

    Concernant l’exemple des assassins de l’ami caché chez soi, il me semble pouvoir dénoncer la faille suivante dans le raisonnement de Kant : si je sais qu’un ami est caché chez moi, ce ne peut être que le résultat de deux intrigues : ou bien cet ami s’est caché chez moi sans me consulter et je ne l’ai découvert qu’après coup, auquel cas deux options s’offrent à moi, me taire ou m’empresser de le dénoncer avant même l’arrivée des assassins ; ou bien cet ami est venu m’implorer de le cacher chez moi, et les deux options seraient alors soit lui accorder, soit lui refuser l’asile. Nous nous situons donc soit dans le cas ou l’ami s’est caché chez moi sans mon assentiment préalable, soit dans le cas ou je lui ai préalablement accordé l’asile.
    Il m’apparaît que dans les deux cas, se faire un devoir moral de ne pas mentir aux assassins, en s’appuyant sur un exercice de déontologie, revient à considérer le mensonge comme fondamentalement immoral, et dans le même temps à considérer comme moralement acceptable soit la dissimulation, soit au contraire la dénonciation, et ce indépendamment du caractère moral ou immoral des faits que l’on dénonce ; et ces deux positions me semblent bien difficiles à soutenir.

    Qu’en pensez-vous ?

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  4. Ping : Réviser le bac philo en vidéo ! | Monsieur Phi

  5. Bonjour,
    Je crois que Kant énonce en fait la forme a priori de la moralité. Il ne dit pas qu’il faut dire la vérité dans la vie « empirique » dans l’exemple fameux. Mais plutôt que si je veux être absolument moral, il faut dire la vérité. Bien entendu, je ne veux plus l’être dans ce cas. Je préfère devenir conséquentialiste. Mais tout au moins, le fait de mentir fait que je ne suis plus moral « absolument », de manière a priori. Le propos de Kant est métaphysique dans le sens qu’il donne à ce mot : de manière « pure », a priori, que puis-je savoir de la morale. Je puis savoir une « forme », une sorte de structure de tout devoir moral. Après, dans la vie réelle, empirique, je peux vouloir ne pas me conformer à ce devoir pure qui me dicte la morale pure, notamment parce que je ne suis pas un pur esprit et que je vois la conséquence empiriques de mes choix. Je peux effectivement me conformer à un impératif hypothétique mais je sais qu’alors je ne suis pas purement moral. C’est ce que je comprends de la polémique avec Constant. Ce dernier n’a pas compris le propos de Kant, ce qui l’a visiblement énervé. Le problème n’est pas de savoir s’il faut mentir ou pas mais de savoir si je suis purement moral si je mens. Non, je ne le suis pas. Je mens pour d’autres raisons que la pure moralité et c’est peut être ce qu’il faut faire parfois : ne pas choisir la morale pour répondre à d’autres impératifs moins moraux. Que pensez-vous de cette interprétation ?

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